Quand les fausses nouvelles se refont une beauté pour mieux tromper Chaque année, on peut remarquer les mêmes rumeurs qui refont surface. Elles changent de forme, de photo ou de date, mais pas de fond.
Ces fausses nouvelles recyclées sont comme des vêtements usés qu’on repasse et revend comme neufs. Dans le monde de la désinformation, ce procédé porte un nom : le blanchiment de l’info sale ou blanchiment de la désinformation. Le concept le plus utilisé reste la malinformation. Le principe est simple : reprendre une fausse information déjà diffusée, la dépoussiérer, lui donner un nouveau contexte ou une apparence plus crédible, puis la relancer comme si elle venait de sortir. C’est une manière de “rendre propre” une info déjà démentie, et de lui offrir une seconde vie auprès d’un public souvent distrait par le flux constant de l’actualité. Le blanchiment de l’info sale s’inspire du blanchiment d’argent : on camoufle une origine douteuse pour lui donner une allure légitime. Les désinformateurs changent la date, le lieu ou la légende d’une publication, et la remettent en circulation. Le public, peu attentif au contexte, la perçoit alors comme une nouvelle actualité. Cette stratégie exploite une faiblesse humaine bien connue : la mémoire courte et l’émotion forte.
Nous oublions vite, mais nous réagissons encore plus vite. Résultat : une même fausse information peut tromper plusieurs générations d’internautes, surtout lorsqu’elle revient dans un moment de tension ou de crise. Au Sénégal, plusieurs exemples illustrent ce phénomène. D’abord, les rumeurs liées aux vaccins : elles circulent depuis des années, prenant de nouvelles formes à chaque campagne de santé publique. Pendant la pandémie de Covid-19, elles prétendaient que les vaccins rendaient stériles ou qu’ils servaient à des expérimentations sur les Africains. Une fois démenties, ces fausses informations sont revenues à l’occasion d’autres campagnes sanitaires, recyclées avec de nouvelles images et de nouveaux arguments. Même scénario pour les faux décès de personnalités publiques : artistes, ministres ou figures connues “meurent” régulièrement sur les réseaux avant de démentir eux-mêmes leur disparition. Autre cas fréquent : les vidéos de violences attribuées à tort au Sénégal. Tournées à l’étranger, elles ressurgissent lors d’événements politiques ou sociaux sensibles, accompagnées de légendes alarmistes comme “Regardez ce qui vient de se passer à Dakar !”.
Enfin, certaines images d’inondations ou de coupures d’électricité sont régulièrement ressorties des archives pour donner l’impression d’un chaos permanent. Les techniques utilisées sont simples, mais redoutables. Trois manipulations reviennent souvent. La première consiste à changer le temps : une vidéo d’il y a trois ans devient une scène d’hier. La deuxième modifie le lieu : un incident filmé ailleurs est présenté comme local. La troisième transforme la source : on ajoute le logo d’un média connu ou le nom d’un journaliste crédible pour rendre la publication plus convaincante. L’objectif reste le même : faire réagir avant de réfléchir. Plus la réaction est rapide, plus la fausse information se propage. Le blanchiment d’info sale est dangereux car il entretient un climat de confusion permanent. Il brouille la mémoire collective, fausse le débat public et érode la confiance envers les médias et les institutions. Une vieille rumeur “remise au goût du jour” peut raviver des tensions, alimenter des colères ou provoquer des paniques injustifiées. En brouillant la frontière entre vrai et faux, il fragilise la cohésion sociale et rend plus difficile la recherche de la vérité. Face à cela, il faut adopter de bons réflexes.
Avant de partager une information choquante ou alarmante, il faut vérifier la date de publication, chercher la source originale, comparer le contenu avec les médias fiables. Ces gestes simples permettent d’éviter de relayer une information déjà blanchie, et donc de couper court à sa seconde vie. Les fausses nouvelles ont plusieurs vies, et parfois, leur seconde est encore plus destructrice que la première. Le meilleur moyen de leur résister, c’est de garder un œil critique, de ralentir avant de cliquer, et de refuser de devenir un maillon involontaire dans la chaîne du blanchiment de l’info sale. Parce qu’à l’ère du numérique, chaque partage compte – et chaque vigilance aussi.
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