Jamais rapport de la Cour des comptes n’était aussi attendu et n’a fait autant saliver. Pourtant, cette institution supérieure de contrôle des finances publiques en publie régulièrement, mais c’était à peine si le commun des Sénégalais s’y intéressait.
Sauf que le contexte fait l’intérêt. Et ce contexte, c’est l’avènement d’un nouveau régime avec ce besoin d’avoir une vue d’ensemble sur la situation de référence héritée du régime sortant, comme le veut la règle ; mais ce contexte c’est aussi et surtout la sortie du Premier ministre le 26 septembre dernier.
Ce jour-là, faisant l’état des lieux sur la gouvernance du pouvoir sortant, Ousmane Sonko avait notamment dit ceci : « le régime du président Macky Sall a menti au peuple et aux partenaires en falsifiant les chiffres pour donner une image économique qui n’a rien à voir avec la réalité ». Sans gants ! A l’époque, cette déclaration a eu l’effet d’une bombe à fragmentation puisque, dans la foulée, les notes du Sénégal ont baissé chez les agences de notation, notamment Moody’s et Standard et Poor’s. Toutefois, il fallait attendre que la Cour des comptes, seule structure habilitée à certifier les finances publiques, produise son rapport, d’autant plus que tous les documents qui doivent lui permettre de faire ce travail de fourmi étaient déjà en sa possession. Même si, à certaines occasions, le Premier ministre, sûr de son fait, ne cessait d’avertir sur « l’ampleur des dégâts ».
Après cinq mois de supputations et de spéculations, le résultat du diagnostic est enfin tombé. Après lecture et analyse du rapport de 57 pages, force est de reconnaître que la situation décrite à l’époque par le Premier ministre est juste. Pour faire clair, disons que la Cour des comptes a effectivement confirmé « l’ampleur des dégâts » annoncés. Même y regarder de plus près, certains indicateurs comme l’encours total de la dette de l’administration centrale est plus élevé que ne l’avait souligné le Pm. Il l’avait annoncé à 83,7 % du Pib, la Cour des comptes avance un chiffre qui frise 100 %, plus exactement 99,67 % du Pib au 31 décembre 2023.
Le déficit budgétaire a atteint plus de 12 % là où Sonko avait parlé de 10 %… Au-delà des multiples irrégularités, anomalies et manquements, la Cour des comptes, dans son rapport d’audit, a relevé beaucoup d’écarts sur un certain nombre d’indicateurs macroéconomiques. Est-ce la raison pour laquelle le Premier ministre avait parlé de « chiffres maquillés » ? On ne saurait être péremptoire. En revanche, on comprend mieux pourquoi le président Bassirou Diomaye Faye a parlé « d’Etat contraint, ne disposant presque d’aucune marge de manœuvre ».
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Réanimer l’espoir de 1975 (Par Samboudian KAMARA)