Le Sénégalais Aliou Cissé à la tête des « Chevaliers de la Méditerranée » de Libye… Le Camerounais Rigobert Song comme coach des « Fauves » de la République centrafricaine… Le Sud-Africain Benni McCarthy, entraîneur des « Harambee Stars » du Kenya… L’Algérien Adel Amrouche pour diriger les « Amavubi » du Rwanda…
Ces derniers jours, cela a beaucoup bougé sur les bancs des sélections africaines de football. On a rarement noté autant de mouvements en si peu de temps. C’est qu’il commence à se faire tard pour certaines équipes. Alors que les 5e et 6e journées des éliminatoires de la Coupe du monde « États-Unis – Canada – Mexique » sont pour ce mois de mars, on cherche çà et là à se donner les moyens de ses ambitions d’être du rendez-vous outre-Atlantique de 2026. Et même de lorgner plus loin, vers la Can 2027 qui, pour la première fois de l’histoire, se déroulera dans trois pays différents : Kenya, Ouganda et Tanzanie, vu que les jeux sont faits pour la toute prochaine, en décembre et janvier au Maroc. Cependant, peut-être plus que la fréquence des mouvements, c’est la personnalité – ou plutôt la nationalité – des techniciens qui impressionne. Aucun « sorcier blanc » ! Rien que des Africains ! L’Afrique tend donc de plus en plus à faire confiance à ses fils qui, eux, justifient parfaitement ce choix qui n’est pas que du cœur.
Les trois dernières éditions de la Can n’ont-elles pas souri à des sélections ayant à leur tête des nationaux : l’Algérie avec Djamel Belmadi en 2019, le Sénégal en 2022 avec Aliou Cissé et la Côte d’Ivoire en 2024 avec Emerse Fae ? En plus, le Maroc n’a-t-il pas atteint une historique place de demi-finaliste du Mondial 2022 au Qatar avec à sa tête un technicien marocain, Walid Regragui ? Et lors de la Can « Côte d’Ivoire 2023 », quatorze des vingt-quatre équipes qualifiées n’étaient-elles pas dirigées par des sélectionneurs africains ? Certains pays ont donc a priori raison d’aller chercher ailleurs, mais sur le continent, ce qu’ils n’ont pas chez eux. Le Sud-Africain Morena Ramoreboli n’a-t-il pas qualifié les « Zèbres » du Botswana à la prochaine Can ? La compétence n’a pas de frontière, pas plus qu’elle n’a de couleur. Cissé, Song et McCarthy, voire même le Malien Eric Chelle qui a atterri chez les « Super Eagles » du Nigeria, sont plus que jamais les ambassadeurs d’une expertise africaine longtemps snobée au profit de « sorciers blancs », pas forcément plus futés et compétents.
Mais juste mieux « vendus » sur des chaines de télévision et par d’habiles officines de com capables de fourguer au prix fort du sable à un prince du désert. À ces techniciens africains donc de relever le challenge et de faire en sorte que cette tendance à recourir à leurs services se renforce au fil des années. Ce n’est cependant pas un cadeau qui leur est ainsi fait. Le Sénégalais Cissé, sacré en 2022 et libéré deux ans après sans état d’âme, est d’ailleurs bien placé pour le savoir. Il pourrait même, au besoin, faire à ses collègues un topo sur la question. Au plus haut niveau, on ne fait pas du nationalisme juste pour en faire.
Des résultats, c’est tout ce que l’on attend. L’Algérien Djamel Belmadi, encensé pour avoir offert à son pays sa 2e Can en 2019 en Egypte (après la première remportée par un autre Algérien, Abdelhamid Kermali, en 1990 à domicile), l’a appris à ses dépens. Le technicien suisse d’origine bosniaque Vladimir Petkovic lui a succédé après la Bérézina de la dernière Can. Idem pour le Malien Chelle, lâché au profit du Belge Tom Saintfiet, malgré une place de quart-de-finaliste avec les « Aigles », l’année dernière en Côte d’Ivoire. La morale de l’histoire : bien que leur crépuscule semble avoir sonné sur le continent, les « sorciers blancs » font encore de la résistance et sont toujours en embuscade. Et certaines fédérations africaines n’hésitent pas à opérer un « retour en zone » pour recourir à leur science. Raison de plus pour les techniciens du cru de ne pas leur en donner l’opportunité. Même si c’est plus facile à dire qu’à faire…