Quand les bombes crépitent au Moyen-Orient, l’économie mondiale retient son souffle. Depuis vendredi, l’escalade provoquée par Israël sous prétexte de viser à détruire les installations nucléaires de l’Iran pour l’empêcher d’obtenir la bombe atomique nous rappelle encore que cette région du monde est une poudrière aux déflagrations économiques n’épargnant presque aucun pays. Quels sont les risques pour l’économie mondiale post-Covid, confrontée aux chocs de la guerre en Ukraine et des droits de douane américains ?
À chaque fois que le Moyen-Orient est en ébullition, les cours mondiaux du pétrole prennent l’ascenseur. Cette fois-ci, les marchés boursiers sont relativement stables, et c’est parce que le conflit n’a pas encore connu une dimension régionale. Jusqu’à quand, au vu de la détermination des deux ennemis qui se promettent une destruction mutuelle ? Les États-Unis, principaux alliés de Tel-Aviv, jouent un rôle très équivoque dans ce conflit, ce qui laisse planer le doute sur leur non-implication revendiquée aux côtés des Israéliens. Téhéran clame, de son côté, détenir des « preuves solides » attestant le contraire. Pour le moment, Washington reconnaît aider l’armée israélienne à abattre les missiles iraniens. Très versatile, Donald Trump résistera-t-il à la tentation d’aller plus loin ? À l’issue de la réunion de son Conseil national de sécurité tenue hier, il est envisagé une intervention américaine pour venir à bout du régime iranien. Toute la question est de savoir si les Usa livreront à Tsahal la GBU-57 A/B, la fameuse bombe d’environ 13,6 tonnes capable de percer jusqu’à 61 mètres de roche ou de béton avant d’exploser. Munition, dit-on, seul à même de détruire les installations iraniennes d’enrichissement d’uranium.
Pour le moment, les cours du pétrole sont très réactifs à la situation de crise, ils ont flambé les deux premiers jours, passant de 66 à 78 dollars le baril, avant de résister à la montée de la tension géopolitique qui pourrait changer la face de toute une région. Mais si Netanyahu s’en prenait aux infrastructures iraniennes de production de pétrole, ou bien si Téhéran décidait de bloquer le détroit d’Ormuz, où transitent 20 % du pétrole mondial, il est fort à craindre un affolement des marchés et des conséquences sur certains pays comme la Chine, principal importateur du pétrole iranien. C’est connu, quand les prix de l’or noir augmentent, c’est l’inflation assurée et aucun pays, même les producteurs comme le Sénégal, ne seraient pas épargnés. Pour la simple raison que le renchérissement de l’énergie entraînerait une hausse de presque tous les autres produits et certains services tels que le transport. Dans une analyse des risques encourus, l’ambassadeur Cheikh Niang estime que « les récents investissements dans les gisements gaziers de Grand Tortue Ahmeyim et le pétrole de Sangomar, bien que prometteurs à moyen terme, ne suffisent pas à amortir un tel choc à court terme. Pire : si les conditions de financement international se durcissent — ce qui est probable dans un contexte de stagflation mondiale — ces projets stratégiques pourraient être ralentis ou rendus moins viables économiquement ».
Cependant, ce scénario catastrophe ne se réaliserait que si l’augmentation des prix de l’énergie s’installait dans la durée, alimentée par des tensions sur la production et le transport du pétrole. Mais jusqu’ici, on ne peut pas encore établir de parallèle entre le conflit Israël-Iran et le choc pétrolier consécutif à la guerre du Kippour de 1973, qui avait fortement impacté les économies africaines.
Par ailleurs, les relations qu’entretiennent les deux belligérants avec l’Afrique, même si elles se développent de plus en plus, sont relativement faibles. La part du continent dans les exportations de l’État hébreu est de près de 1 %, alors que ses échanges commerciaux avec l’Iran, en augmentation sensible (650 millions de dollars en 2021 à 1,2 milliard de dollars en 2023, selon l’institut Gesis), n’ont pas encore atteint la taille critique. Ce qui fait que le conflit semble périphérique pour les Africains. Cependant, le continent ne doit pas se détourner de ce qui se passe au Moyen-Orient. Comme le dit si bien l’ambassadeur Niang, citant le diplomate américain Zbigniew Brezenski, « la paix et la stabilité du continent ne se gagneront pas seulement dans les urnes ou sur les marchés, mais dans la capacité à lire les temps qui viennent — et à y répondre avec lucidité, courage et intelligence. La géopolitique est l’art de la prévoyance à l’échelle des continents ». Mais puisque l’Orient, si loin et si près de nous, nous a habitués à ces éruptions de violence, espérons que la sagesse prévaudra pour le bien de tous.
Malick CISS