Selon l’agence de presse Ecofin, la Biélorussie compte conquérir le marché laitier d’Afrique de l’Ouest en faisant du Sénégal sa porte d’entrée. La première expédition de produits laitiers en provenance de ce pays d’Europe de l’Est à destination du Sénégal porte sur un stock de 125 tonnes de lait en poudre, ajoute notre confrère. Cette annonce intervient un mois seulement après les grandes annonces faites lors de la dernière édition de la journée nationale de l’Élevage, célébrée le 23 février 2025, à Kaolack.
Le Sénégal, qui ne couvre que 40% de ses besoins en lait, est obligé de combler ce déficit par des importations massives, pour la plupart en provenance de l’Union européenne (Ue). Selon des données compilées de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd), le volume des importations de produits laitiers en 2024 a augmenté de 8% pour s’établir à 33.745 tonnes en 2024, pendant que la facture haussait de 20% pour s’établir à plus de 65 milliards de FCfa. Ce que le consommateur ne sait pas souvent, c’est que derrière les noms de grandes marques, on lui propose généralement une poudre de lait écrémé ré-engraissé avec de la matière végétale comme l’huile de palme et vendue beaucoup moins cher que le lait entier en poudre.
L’excédent de la production européenne inonde le marché ouest-africain qui représente 36% des exportations européennes sous forme de lait en poudre bien en dessous des coûts de revient, grâce aux subventions de la Politique agricole commune (Pac) de l’Ue, premier fournisseur de la sous-région. « Quand je vois que nous importons 300 millions de litres de lait, l’équivalent de 100 millions d’euros (65,595 milliards de FCfa) par an, selon les experts, c’est 55.000 vaches laitières à raison de 15 litres de lait par jour et par vache », se désolait le ministre de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Élevage, Mabouba Diagne, en prélude à la journée de l’Élevage. Les régimes successifs ont toujours déploré le montant de la facture laitière, posé des actes pour résorber le déficit, mais l’atteinte de l’autosuffisance en lait semble nous fuir. Celui de Bassirou Diomaye essaie de jouer sa partition, en important d’Europe 1300 vaches dont 1250 génisses gestantes, 27 taureaux et 30 reproductrices, pour espérer doper la filière laitière. Au total, le Sénégal a importé 6732 génisses de races laitières depuis 2017 pour 13 milliards de FCfa.
Espérons que cette fois-ci, ce sera la bonne. Mais pour booster le sous-secteur, il faudra nécessairement mettre à contribution le pastoralisme, qui assure une bonne partie de notre production laitière et éviter de miser exclusivement sur l’agrobusiness. D’ailleurs, à l’annonce de l’importation des 1300 vaches, le président de l’Association pour la promotion de l’élevage de l’élevage au Sahel et en savane (Apess), Mamadou Ba, trouvait que le projet est destiné aux acteurs de l’agrobusiness, « alors que le cœur de l’élevage vient du pastoralisme ». Nos pasteurs sont confrontés à l’incertitude climatique et à la raréfaction du couvert végétal. En comparaison à l’élevage intensif qui focalise les politiques publiques des pays africains, l’élevage traditionnel est faiblement intégré au marché alors que la demande ne cesse d’augmenter. La création de Coopératives agricoles communautaires, dont le but est d’accroître la compétitivité, optimiser les pratiques agricoles et faciliter l’accès aux marchés pour les producteurs locaux, peut constituer un jalon important vers l’autosuffisance.
Améliorer la production de nos vaches en lait et en viande est une nécessité comprise par l’État depuis 2017. La production des races locales se situe à un maximum de quatre litres par jour et par vache sur une période de lactation n’excédant pas huit mois, là où des races européennes comme la vache normande peut assurer 10 litres au quotidien. Ce qui fait que la production locale de lait a du mal à approvisionner en permanence l’industrie laitière locale. S’il y a des efforts à organiser les éleveurs en amont, il est tout aussi indispensable de faciliter et assurer en permanence la collecte de lait frais, un produit très fragile, contrairement au lait en poudre. Ainsi, investir en aval (centres de collecte, transport, chaîne de froid, etc.) sera tout aussi judicieux pour résorber la facture laitière à travers le consommer local. malick.ciss@lesoleil.sn