Dans une société marquée par la quête incessante de la réussite à tout prix, l’événement survenu à Ouakam, où un braquage spectaculaire a conduit à un vol de 100 millions de FCfa, expose avec une clarté glaçante les dérives contemporaines.
Cette triste histoire, en plus d’un vol organisé commis par des jeunes poussés par l’envie de richesse, met en lumière un autre phénomène inquiétant : l’implication active des parents dans le crime. L’idée que des proches, de manière directe ou indirecte, puissent participer à une telle machination illustre une fracture bien plus profonde au sein de notre tissu social. La société, en perte de repères, semble osciller entre une naïveté excessive et une méfiance généralisée. Comment expliquer, autrement, qu’un parent puisse accepter sans scrupule une somme d’argent aussi importante, sans se demander d’où elle provient, sans envisager les conséquences ? Un excès de confiance aveugle ? Ou bien une absence de vigilance dans un monde qui prône de plus en plus l’opportunisme comme vertu ? Ces questions ne trouvent de réponses que dans la prise de conscience collective de notre époque. Car ce n’est pas un cas isolé. Les faits qui secouent l’actualité révèlent des maux plus profonds.
D’un côté, des parents qui, par facilité ou par cupidité, ne s’interrogent pas sur les sources des gains rapides de leurs enfants. De l’autre, des jeunes en quête de sensations fortes ou d’une évasion financière immédiate, qui n’hésitent pas à se soumettre aux pires tentations : drogue, paris sportifs, prostitution déguisée. Et ces dizaines de milliards de FCfa en faux billets saisis cette semaine par les unités douanières dans plusieurs localités du pays viennent étayer ce constat amer. Chez nous, des gens veulent, coûte que coûte, devenir millionnaires ou milliardaires sans pour autant se soumettre au dur labeur. Pire encore, cela n’émeut plus personne. Par conséquent, nous nous retrouvons aujourd’hui dans une spirale infernale dont les conséquences se répercutent sur l’ensemble de la société. En effet, à force de faire fi des limites morales et sociales, nous voyons apparaître des individus qui, d’abord pervertis par leur entourage, finissent par instaurer un climat de méfiance, voire de violence, où la confiance devient une utopie.
Ce climat d’incertitude et de doute semble exacerbé par un autre phénomène inquiétant : la manipulation. Comme le montre l’exemple d’un proche de la victime du braquage, qui aurait vendu son parent, la trahison devient monnaie courante. La société semble de plus en plus confrontée à un manque de loyauté, à un relâchement des normes et à une exploitation systématique des plus vulnérables, qu’ils soient jeunes ou moins jeunes. Si l’argent facile, la fraude et les trahisons ne sont plus perçus comme des actes isolés, mais comme des gestes presque quotidiens dans certaines sphères, cela montre qu’il est peut-être temps de remettre en question nos systèmes de valeurs.
Dans un pays où les repères sont flous et où la pression sociale encourage la réussite à tout prix, nous devons interroger cette recherche du gain rapide qui détruit, lentement mais sûrement, les fondations de la société. Si la confiance est le ciment de la vie en communauté, elle ne doit pas devenir un piège dans lequel chacun tombe. Nous devons, aujourd’hui plus que jamais, réapprendre à distinguer ce qui relève de la confiance véritable de ce qui n’est que pure crédulité. Toutes ces dérives observées au quotidien ne sont que le reflet d’une société qui, au lieu de cultiver l’honnêteté et la solidarité, semble nourrir les jeunes générations d’illusions dévastatrices. Un retour aux valeurs fondamentales de la justice, de la responsabilité et de la confiance, dans une forme plus saine et réaliste, est plus que nécessaire. Il est impératif de questionner cette vision d’une société où tout semble permis, où l’argent est devenu le seul étalon de valeur, et où, finalement, l’irréparable semble se tordre dans les méandres d’une quête insensée. salla.gueye@lesoleil.sn