Les réseaux sociaux, et en particulier TikTok, ne cessent de fasciner, d’intriguer, et de susciter de nouvelles dynamiques sociétales.
Un phénomène qui, parfois, dérape et dépasse le cadre d’une simple conversation numérique. L’actualité la plus récente met en lumière une situation qui, à première vue, semble anecdotique mais qui, à bien y réfléchir, soulève des questions fondamentales sur la vie privée, le voyeurisme, et l’impact des réseaux sociaux sur nos comportements collectifs. Une « affaire » de divorce entre une actrice de série télévisée et un promoteur de lutte, relayée sur les plateformes numériques, a fait couler beaucoup d’encre. Mais au-delà de ce qui semblait n’être qu’une simple histoire de cœur brisée, c’est une véritable mise en lumière de la toxicité des réseaux sociaux qui se joue.
Matin, midi et souvent très tard dans la soirée, les inspecteurs du net, à l’instar de l’intrépide Adamo, s’activent pour démêler l’écheveau des supposées circonstances de cette séparation. Comme souvent, les rumeurs alimentées par des témoignages, parfois farfelus, sont relayées sans filtres, avec des commentaires de plus en plus sulfureux. Pourtant, dans ce tourbillon de spéculations, la réalité des faits, elle, demeure floue, voire inexistante.
Ce n’est pas tant le fond du récit qui semble intéresser, mais bien le spectacle que cela offre aux « enquêteurs » en herbe. Dans cette quête incessante de la vérité – ou du moins de ce qui pourrait y ressembler – ce qui ressort, c’est la jouissance du voyeurisme collectif.
En effet, une tendance inquiétante émerge sur ces plateformes : la banalisation de l’intrusion dans la vie privée des autres. Il suffit d’observer les comportements d’une partie de la population sénégalaise pour comprendre que certaines personnes ne voient plus la vie privée comme un espace sacré, mais comme un terrain de jeu pour des spéculations incessantes et des jugements acerbes. Car oui, lorsque vous décidez d’exposer votre vie personnelle sur les réseaux sociaux, il faut bien être conscient qu’elle sera ensuite disséquée, interprétée, voire déformée à l’envie. Dans ce contexte, les petites querelles familiales ou les ruptures amoureuses deviennent une source intarissable de divertissement pour une masse de spectateurs avides de sensationnel.
Certes, les réseaux sociaux sont aussi un espace de créativité, un lieu où l’expression personnelle trouve sa place, mais une face sombre et insidieuse se cache derrière ce masque de liberté. On y retrouve des comportements de plus en plus toxiques, où le corps devient un sujet d’attaque et de moquerie. Le body-shaming, cette forme de harcèlement qui se nourrit des imperfections physiques, y trouve une place de choix. Mais ce n’est pas tout : le dénigrement, les critiques sur l’apparence des célébrités ou la mise en scène de leurs faiblesses, notamment par rapport à leur image publique, sont devenus monnaie courante.
Ainsi, quelques jours avant que cette affaire de divorce n’éclate sur les réseaux, une autre célébrité, une dame du showbiz, a vu sa réputation être mise à mal en raison de sa propre apparence. Un flot de moqueries sur son visage sans maquillage a envahi les plateformes sociales. Ces commentaires, d’une violence inouïe, l’ont poussée à stopper son direct en pleine diffusion, visiblement abattue par la cruauté de certains internautes. Cette scène, loin d’être isolée, reflète une réalité de plus en plus courante : le harcèlement numérique touche de plus en plus d’individus, et il semble se déployer sur une échelle toujours plus vaste.
Mais la logique du voyeurisme ne semble pas s’arrêter là. De nombreux influenceurs et célébrités, conscients des dangers que les réseaux sociaux peuvent engendrer, choisissent néanmoins de jouer avec les codes de cette machine infernale. Un exemple frappant de cette attitude a été celui d’une animatrice d’une chaîne de télévision locale qui, dans un accès de provocation, a partagé des photos d’elle, accompagnées d’un message défiant les conventions : « Bonne dégustation la famille ». Et comme pour rajouter une couche à son jeu provocateur, elle a ajouté un commentaire pour encourager ses fans à apprécier ses clichés pendant le mois sacré du Ramadan. L’envie de briller, de susciter des réactions, de se mettre sous les feux des projecteurs l’emporte sur toute autre considération. Mais dans ce monde virtuel où tout est amplifié, cette recherche du sensationnel peut rapidement tourner au cauchemar. salla.gueye@lesoleil.sn