Pour un âne qui refuse de se lancer dans une course, le jeune Baïdy, alias « Ameth Ndiaye », est subitement devenu la star des réseaux sociaux. L’image de ce retard à l’allumage est virale. La candeur de ce garçon de dix ans a suscité un très fort élan de sympathie. Le propos est teinté d’humour : « Cet âne refuse de participer à la course.
Pourtant, devant de la nourriture, il aurait rappliqué dare-dare », avance, en somme, le garçon. Un avis très philosophique dans sa belle innocence. Appliquée à un humain, cette sentence donne à réfléchir : comment se dérober face à l’effort et accourir vers le bol pour se gaver ? L’avis de l’âne restera un mystère parce que nous ne sommes pas dans la fiction qui a donné au patrimoine littéraire mondial un chef-d’œuvre comme « Mémoires d’un âne », sous la plume de la Comtesse de Ségur. L’animal y distribue les bons et mauvais points selon qu’un propriétaire le maltraite ou prend bien soin de lui. Dans cette fiction, l’âne finit par rendre à ses bienfaiteurs une affection à la hauteur de leur générosité. Un texte plaisant qui laisse entier le mystère de la vie dans le monde animal dans sa compréhension de la vie des hommes. Intelligence ou instinct ? Le débat séculaire a libre cours ! Toujours est-il que l’âne d’Ameth Ndiaye n’est pas parti à point comme la tortue de la fable.
Cependant, cet animal récalcitrant a fait de son « maître » un beau champion des thématiques virales. Le Sénégal des joyeux lurons montre qu’il a du cœur. Le petit Ameth Ndiaye a produit une grosse émotion. Derrière ce bout d’homme, est apparue l’histoire d’une créature sympathique et authentique aussi bien dans l’embarras assez expressif que dans sa trajectoire d’enfant sous tutelle. Il y a un peu plus de trois ans, l’actualité des réseaux sociaux avait produit un autre phénomène en la personne de « Mère Binta Faye ». Au détour de la commémoration de la naissance du Sceau des Prophètes (Paix et Salut sur Lui), la dame d’un âge respectable a suscité une vague de commentaires. En se présentant dans une interview ordinaire, elle a fini par délivrer son adresse dans un style atypique qui sera repris tel un refrain dans de multiples challenges sur les médias sociaux : « Mère Binta Faye, deuk localité… » Elle chantonnait presque dans une imprécision très artistique.
Avec un look construit sur son parler quelque peu débonnaire et dans sa tenue immaculée, cette habitante de Ngaparou, d’un âge assez avancé, a fait une entrée tonitruante sur les réseaux sociaux. La bienheureuse a par la suite visité Fès, la ville marocaine abritant le mausolée de son guide, Cheikh Ahmed Tidiane Chérif. L’histoire romantique des coups de cœur s’arrête aux portes des affabulations. En dehors des petits héros de la vie quotidienne, surviennent des nouvelles assez grosses. L’un des champs d’expression de légendes est la foi. En effet, les rumeurs s’étendent à des saints apparus dans un salon ou sur un mur. Commence alors la ruée vers le lieu indiqué dans une démonstration de ferveur si touchante. Ce pays a également porté au pinacle « Ndiaye Dragon » avant d’en rire, dans une sorte d’amusement que procure le spectacle d’un interlocuteur s’acharnant à défendre l’invraisemblable.
Ce sujet a fini par faire rire, comme les innombrables rumeurs sans fondement et sans épilogue. Comme, également, l’erreur de la nommée Maguette Seck qui, à l’occasion du sacre africain des Lions, a écorché le nom de Sadio Mané et s’est retrouvée célèbre sous le sobriquet de « Sané Madio ». Ces « célébrités » passent comme des Ovni sous le souffle des réseaux sociaux. Souvent, c’est plusieurs mois ou années plus tard que les témoins se demandent : « Comment cette histoire s’est-elle terminée ? » Des sujets pour la galerie, des canulars ou de simples faits divers supplantent, dans le box-office de l’actualité, des thématiques aussi sérieuses que la mévente de l’oignon, la baisse du prix du riz, le cours du pétrole, les droits de douanes de l’ordre de 10% applicables sur les produits sénégalais entrant dans le marché américain, le plan de lutte contre les inondations, la nouvelle politique hydraulique, la campagne agricole, etc. Où se trouve l’ennui pour que des faits vraiment divers supplantent des sujets d’une haute importance ? Les médias n’échappent pas cette grande tentation de l’anecdotique et de la rigolade.
Il y a quelques années, un monsieur surgi de nulle part s’est accordé le pouvoir de fendre littéralement l’océan Atlantique pour se rendre en Europe à l’image de Moïse poursuivi par le Pharaon. Dans un pays où l’ailleurs continue de faire rêver malgré les multiples dépouilles que crachent l’Atlantique et la Méditerranée, le nomme Koukandé a fait mouche. Dans le mille ! Il a tenu en haleine les réseaux sociaux et certains médias étiquetés sérieux. À la fin, rien de tout ceci n’était vrai. À ceux qui l’ont chargé et traité d’affabulateur, le bienheureux buzz maker a lancé un message sidérant : « Moi, sans cervelle ? Ce sont plutôt ceux qui ont cru en mon histoire qui sont sans cervelle ! » Terrible, cette vérité sur le bonnet d’âne décerné à un public naïf qui serait ainsi le dernier de la classe !