Cette fois-ci, il faut espérer qu’il sera visible, cet éternel serpent de mer que constitue la rationalisation des agences d’exécution. La réalité socioéconomique du moment le commande, le respect de la promesse électorale faite aux Sénégalais le veut.
Lors du dernier Conseil des ministres, le Premier Ministre Ousmane Sonko a annoncé avoir réactivé la Commission d’évaluation des agences d’exécution (Ceae) qui, dans les meilleurs délais, doit lui soumettre des propositions de rationalisation des agences d’exécution, conformément à l’engagement de réduction du train de vie de l’État.
C’est déjà un bon pas parce qu’entre chevauchement dans les missions et redondance, il y a lieu de dégraisser le mammouth, pour reprendre l’ancien ministre français de l’Education nationale Claude Allègre, récemment décédé. Reste à savoir si les premiers pas se transformeront en foulées qui conduiraient enfin à cette ligne d’arrivée que l’ancien régime, lui aussi, s’était tracé, sans jamais vraiment la franchir malgré quelques coups d’accélération. Le chef du gouvernement a raison de dire, en effet, que la philosophie ayant guidé à la mise en place des agences d’exécution à travers la loi d’orientation en date du 04 mai 2009, a été dévoyée au fil des ans pour aboutir à une pléthore de structures dont l’efficacité et l’impact dans la mise en œuvre des politiques publiques est à questionner.
En attendant une réponse chiffrée, pas besoin d’être mathématicien pour comprendre que ces entités constituent un lourd fardeau pour les finances publiques. En vérité, bien avant cette loi d’orientation de 2009 qui régit leur organisation et leur fonctionnement, la prolifération des agences d’exécution était une réalité. La preuve, en 2013, la même Commission dont parle le Premier ministre, pilotée à l’époque par la Délégation générale à la réforme de l’État et à l’assistance technique (Dgreat), avait révélé qu’en 2000, le Sénégal ne comptait en tout et pour tout que deux agences.
Un an plus tard, en 2001, ce nombre est passé à 12 avant d’aller crescendo pour atteindre 51 en 2008 et 60 en 2012. Mais la Commission ne s’était pas limitée aux agences, elle s’était aussi intéressée aux structures rattachées aux cabinets des départements ministériels. Il avait alors relevé que leur nombre avait connu une croissance exceptionnelle passant de 26 en 1990 à 75 en 2000 et 195 en 2008. Le nombre de directions aussi était passé de 93 à 213 en 2008. C’est sur la base de ses statistiques que le gouvernement de Macky Sall avait décidé de supprimer le Fnpj, l’Anej, l’Ofejban, l’Anpt, l’Anama…quasiment toutes évoluant dans la problématique de l’emploi et du financement des jeunes.
Mais le résultat fut mitigé. D’ailleurs le constat de cet échec de rationalisation est acté en 2019 lorsque, encore une fois, le gouvernement avait exprimé sa volonté d’engager la rationalisation des agences d’exécution et entités assimilées soit par fusion, soit par mutation juridique en société anonyme ou en établissement public. Il faut dire que sur les cendres des entités supprimées six ans plus tôt, d’autres ont vu le jour. L’Anpt est revenue sous le nom de l’Aspt, la Der est le clone du Fnpj, tandis que l’Asp a été créée.
Mais à la différence de 2013, la restructuration des agences et structures assimilées de 2019 qui devait toucher au moins 24 d’entre elles pour permettre de dégager des économies budgétaires substantielles sur leurs dépenses de fonctionnement et de personnel, n’a jamais été suivie d’effet. Justement, de l’effet à travers des actes, on n’en attend pas moins de l’actuel gouvernement. Certes, le but est d’optimiser les ressources publiques dans un contexte d’impécuniosité et de les réaffecter dans des secteurs prioritaires, mais aussi, ô paradoxe, de renforcer l’efficacité de l’administration, ce pourquoi même ces agences avaient été créées. Finalement, c’est le serpent qui se mord la queue. .
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