Les connaissances se trouvent dans les livres, dit l’adage. Mais, en Afrique francophone notamment, nos systèmes éducatifs traversent des « défis persistants en langue » comme le prouve l’évaluation 2020 du Programme d’analyse des systèmes éducatifs de la Confemen (Pasec). Nous le signalions d’ailleurs dans notre dernière chronique.
D’après l’étude, en début de cycle, plus de 55 % des élèves sont en dessous de la moyenne en langue. Ces élèves éprouvent des difficultés d’apprentissage relativement importantes dans le déchiffrage de l’écrit et la compréhension des mots, des phrases et des textes courts, ainsi que des messages oraux. À la fin du primaire, plus de la moitié des élèves ne savent pas lire ». Idem pour les mathématiques (calcul). « En début de cycle, plus de 28 % des élèves n’ont pas atteint le niveau suffisant en mathématiques. En fin de cycle, près de 62 % des élèves sont en dessous de ce seuil ». C’est dire que la maîtrise de la lecture doit être le premier défi à relever dans nos écoles. Comment comprendre un sujet, résoudre un problème, si l’on ne comprend rien du texte ? C’est certainement l’une des raisons qui explique la chute continuelle de la non-maîtrise des sciences et techniques, notamment les mathématiques par nos élèves.
Car, pour être un bon scientifique, il faut impérativement maîtriser la langue. En effet, la lecture permet un enrichissement du vocabulaire, le développement de la capacité intellectuelle de l’enfant, son ouverture d’esprit. La lecture favorise également la maitrise de la diction, de la respiration grâce aux ponctuations. Mais faudrait-il d’abord que l’enfant soit dans un environnement qui favorise la lecture, c’est-à-dire que les parents aiment et lisent. Ils créeront ainsi un cadre propice à la lecture pour l’enfant, surtout lorsqu’on aménage dans la maison un coin lecture avec une bibliothèque. Selon les psychopédagogues, les parents sont comme un aimant pour l’enfant. Leurs comportements l’attirent, le fascinent et il aime les imiter. « L’environnement familial joue un rôle important dans le développement du goût de la lecture chez les adolescents », écrit Kouassi Sylvestre Kouakou. (Cf. Kouassi Sylvestre Kouakou : Les pratiques de lecture des élèves sénégalais. Documentation et bibliothèques, 67(4), 36-47, 2021). Faudrait-il surtout que l’élève ou l’étudiant fréquente les bibliothèques scolaires ou universitaires. En réalité, c’est là que le bât blesse.
Rares sont, aujourd’hui, les élèves et étudiants qui sont assidus dans les bibliothèques. Dans son étude, Kouakou a démontré que 24 % des élèves sondés n’ont jamais fréquenté la bibliothèque, 33 % une fois chaque 3 mois, 25 % une fois par mois et 18 % au moins une fois par semaine. À l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, qui compte plus de 90.000 étudiants, à la Bibliothèque centrale, communément appelée BU, avec ses 1.729 places assises dans les services publics, « on observe une moyenne des entrées journalières de 6.845 usagers. Durant les périodes de forte affluence (mai, juin et juillet), la fréquentation journalière peut atteindre jusqu’à 10.000 voire 12.000 entrées » (Cf. Dans le rapport d’activités 2016-2018 présenté par le Directeur Arona Ndiaye en janvier 2019). Et pourtant, cette bibliothèque totalise « 58h30 d’ouverture au public par semaine », se rapprochant ainsi de la moyenne internationale qui est de « 60h » hebdomadaire. Pire, la moyenne annuelle des inscrits sur les trois années n’est que de « 22.000 utilisateurs ».
Or, la bibliothèque est la source du savoir comme le soutiennent Olivier Donnat et Paul Toila. « Chaque jour, l’individu apprend toujours quelque chose pour accroître ses connaissances. Si cette acquisition de connaissances se fait souvent par le concours d’autrui, il reste que la lecture personnelle des ouvrages est le chemin indiqué pour accéder à plus de connaissances, donc, à plus de culture ». (Donnat, O. & Toila, P. (2003). Le(s) public(s) de la culture. Paris : Presses de sciences politiques). D’après Kandolo Kimwanga Wukem, assistant à l’Institut supérieur pédagogique de Dula, province de Kwilu, République démocratique du Congo (Rdc), « la bibliothèque, de par le rôle qu’elle joue, revêt une importance capitale pour le système éducatif. Sans elle, notre système éducatif serait dérisoire et improductif. Elle est d’abord un outil de formation pour accompagner le système éducatif par le développement de partenariat avec l’école.
Ensuite, la bibliothèque est un outil indispensable à l’éducation permanente, un outil qui aide la construction personnelle, le renouvellement et l’enrichissement des connaissances tout au long de la vie. Enfin, elle permet d’accompagner et de soutenir les activités d’enseignement et de recherche. Outre ce rôle de source du savoir, la bibliothèque est un lieu de loisir et de plaisir ; un lieu de diffusion culturelle et un lieu de sociabilité ». (Cf. Kandolo Kimwanga Wukem : Fréquentation et usage de la bibliothèque par les étudiants de l’Institut supérieur pédagogique de Dula, Education et Développement, Numéro 10, Troisième Trimestre 2015). En ce 21e siècle, seule la lecture peut nous permettre d’asseoir la qualité dans notre système éducatif. daouda.mane@lesoleil.sn