Guerre civile dans les deux Soudans, conflit communautaire et confessionnel en Éthiopie, crise post-électorale au Kenya, scission en Somalie, tensions sociales récurrentes et montée du jihadisme au Mozambique. Il est rare de voir ces dernières années, un pays en Afrique de l’Est qui ne soit miné ou mené par des conflits ethniques, rebellions chroniques, instabilité politique et étatique.
Une spirale de crises qui semble serpenter toute la géographie de cette partie de l’Afrique. Ces tensions dont la plupart ont pris source dans ce qui est appelé les limites de « l’État post-colonial africain » ont fait que depuis plus d’une décennie le crépitement des armes n’a pas quitté cette zone. Avec ce mois d’avril, le Soudan, vaste pays et ayant une vieille civilisation comme son voisin éthiopien, a vu le conflit qui le déchire avoir trois ans, est ainsi un exemple patent et éloquent de cet « l’État post-colonial africain » qui n’a pas réussi à asseoir une cohésion nationale indispensable à la consolidation d’un État-nation. Avec une mosaïque tribale dont le recollage social n’est pas abouti, ce pays, malgré ses immenses ressources naturelles et territoriales, est dans ce carcan sécuritaire qui le poursuit depuis toujours.
Le départ au pouvoir du président Omar el Béchir en 2019 à la suite d’un coup d’État consécutif à quatre mois de manifestations populaires n’a pas donné à ce pays la stabilité et le retour à la démocratie tant rêvés. Le spectre de la tension sécuritaire connu durant la guerre du Darfour demeure toujours et s’est métastasé dans l’ensemble du pays causant ainsi le risque d’un scénario à la Libyenne où deux gouvernements soutenus chacun par des partenaires extérieurs scellent de facto la partition du pays, après la première partition de 2011 qui a donné naissance au Soudan du Sud. Tout comme l’Éthiopie dont les rivalités confessionnelles et communautaires restent encore vivaces et tenaces avec la fumée de la guerre du Tigré qui ne s’est pas totalement dissipée. Il ne reste que le Kenya et la Tanzanie parmi les grands pays de l’Afrique de l’Est à se prémunir de telles tensions, mais toujours fragiles avec un champ politique tiraillé par des violences pré et post-électorales.
Zone stratégique tant sur le plan économique que géographique, l’Afrique de l’Est est aux confluences de plusieurs flux et voies maritimes. D’où le développement de la piraterie maritime au large de la Somalie devenue depuis plusieurs années un « Failed State » (État failli) avec une instabilité sécuritaire chronique. Voisine de l’Asie et du sous-continent indien, l’Afrique de l’Est est restée longtemps sous l’influence des dynamiques migratoires avec une confluence et une affluence de populations de l’autre côté de la Mer Rouge et de l’océan Indien. Première partie du continent africain à connaître les affres du terrorisme islamique, l’Afrique de l’Est continue toujours d’en vivre les ravages. Sa proximité aussi avec la région des Grands Lacs connue comme étant une poudrière ne facilite pas les choses. Ainsi, dans tous ces confins, Moyen-Orient, Afrique centrale (Centrafrique et République démocratique du Congo), l’Afrique de l’Est est cernée par des dynamiques conflictuelles qui appellent à plus de responsabilité des organisations régionales de la zone, la Communauté d’Afrique de l’Est (Eac) ou l’Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad). C’est seulement avec la conjonction et la conjugaison des efforts de ces organisations sous-régionales et aussi de l’Union africaine, que l’Afrique de l’Est pourrait sortir de ce tourbillon chronique et dynamique… oumar.ndiaye@lesoleil.sn