L’information a failli passer inaperçue, noyée dans le tourbillon politico-médiatique ambiant. Heureusement, le calme est revenu, ramenant avec lui un peu de sérénité.
On peut donc revenir à l’essentiel et mettre en lumière un article paru le lundi 14 juillet dans les colonnes du quotidien national, intitulé : « Césarienne dans les établissements publics de santé : Une « gratuité » qui coûte cher ». Que nous dit cet article ? Il révèle que la fameuse gratuité de la césarienne – acquis majeur du régime Wade – n’est plus appliquée dans plusieurs postes, centres de santé et hôpitaux du pays. Plus grave encore, l’enquête de notre confrère Babacar Guèye Diop nous apprend que ce forfait, qui inclut le bilan préparatoire, les médicaments nécessaires, l’acte opératoire lui-même et le séjour hospitalier, est devenu un business pour certains professionnels de santé – notamment des sages-femmes et gynécologues – qui s’enrichissent sur le dos de pauvres femmes et de leurs familles.
Le plus préoccupant, c’est que ces pratiques ne sont même plus dissimulées. Elles sont désormais assumées, au vu et au su de tous, sans aucune gêne. Et c’est véritablement ce qui donne plus de pertinence et de portée à l’enquête de notre jeune confrère, qui nous rappelle ce qu’est un journalisme de qualité : pertinence des sujets soulevés, profondeur des débats qu’ils provoquent et capacité à faire écho aux préoccupations des citoyens. « Un bon journaliste, ce n’est pas celui qui parle beaucoup, c’est celui qui oblige à parler vrai », aime rappeler notre consœur Rama Seck. Babacar Guèye Diop n’oblige pas seulement à parler vrai. Il nous invite aussi, et surtout, à des débats utiles et à poser les vraies questions. En mettant le doigt là où ça ne va pas, avec l’objectif de changer le cours des choses et d’améliorer le quotidien des populations. L’enjeu de son papier est énorme : une grande partie de notre système de santé est gravement malade : services défaillants, désorganisation, prestations inégalitaires, insalubrité. Un système gangréné, infecté à des niveaux insoupçonnés par des individus identifiés, mais visiblement intouchables.
Des personnes qui cherchent, par tous les moyens, à s’enrichir sur le dos des usagers. Ce sont ces mêmes « hommes du système » qui ont récemment protesté contre les perquisitions inopinées menées par l’Agence de régulation pharmaceutique (Arp) dans plusieurs postes de santé. En effet, dans ces structures souvent reculées, une véritable mafia opère depuis des années. Des Icp (infirmiers-chefs de poste) et leurs complices (présidents de comités de santé) ont mis en place un système bien huilé pour détourner les médicaments. « Dans certaines structures, le personnel ne se fait prescrire des ordonnances que lorsque la dotation en médicaments est réceptionnée. Parfois, plus de 80 % des produits n’atteignent pas la cible », confie un interne sous couvert de l’anonymat. Il ajoute : « Il y a même des Icp qui s’accaparent toute la dotation, créant une sorte de pharmacie parallèle, au détriment des populations ». Le mal est donc profond. Et comme si cela ne suffisait pas, il faut y ajouter le naufrage collectif enregistré au baccalauréat 2025, avec un taux de réussite de seulement 21 % au premier tour. De quoi alimenter le débat national et mobiliser les Sénégalais, à commencer par les journalistes. Suivons alors la recommandation de notre consœur Rama Seck : ignorons les faits stériles, délaissons le sensationnalisme et les mises en scène pour amener les Sénégalais et les décideurs à se recentrer sur ce qui compte vraiment : le quotidien des citoyens, les urgences sociales et les défis économiques.
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