C’est un article publié il y a une semaine sur un site d’information local qui nous inspire et nous pousse à consacrer cette chronique à un maillon essentiel de l’écosystème informationnel : les photojournalistes. La place de la photo dans la fabrication de l’information n’est plus à démontrer. Elle illustre le texte, le rend plus vivant, clarifie le propos du journaliste et aide le lecteur à saisir toute la portée de l’information. Un bon cliché est parfois considéré comme suffisant à lui seul, tant il porte en lui un message autonome, sans besoin d’explication. On entend souvent dire qu’« une image vaut mille mots ». Autrement dit, la photo donne à l’événement son identité.
La capture réussie d’un moment permet de véhiculer des messages puissants, parfois plus marquants que bien des articles conventionnels. Tout cela pour dire qu’un journal fait savoir, mais aussi fait voir. Il est donc fait de textes et de photos : de belles images, bien choisies, avec des cadres réservés et des légendes soignées. Mais est-ce cela que nous voyons dans la presse quotidienne sénégalaise ? Malheureusement, non. On constate une sous-valorisation et un manque de considération réel pour la photo de presse. Il suffit, pour s’en convaincre, de compter le nombre de rédactions disposant d’un service photo.
Dans la majorité des cas, c’est à l’heure du bouclage que les monteurs se démènent pour chercher des photos destinées à accompagner les textes. « Parfois, on bouche juste des trous. Le journal étant entièrement écrit », confie un monteur. En réalité, comme le souligne un photographe formateur au Cesti, c’est le photojournalisme, encore considéré comme secondaire dans les rédactions, qui est en quête de reconnaissance au Sénégal. Et ceux qui en subissent directement les conséquences sont les photoreporters, souvent sans contrat ni statut clair, plongés dans la précarité.
« La presse sénégalaise, qui n’est pas une grande consommatrice de photographies, n’a pas encore intégré l’iconographie comme composante à part entière de l’information. C’est pourquoi les reporters photographes ont le sentiment d’être relégués au rang de bouche-trous. Dans les rédactions, les journalistes, pour la plupart, ne les considèrent pas comme des confrères à part entière. Tout simplement parce que « les reporters photographes ne sont pas formés dans une école de journalisme comme eux », souligne le journaliste Amadou Ba dans son mémoire de maîtrise intitulé Les reporters photographes professionnels du Sénégal.
Une coopération sous-valorisée. Dans ce travail, Amadou Ba évoque également le niveau d’études des photoreporters, pouvant expliquer en partie cette sous-considération : « Seuls 20 % des photographes sénégalais, dit-il, ont le bac. Nous constatons dès lors que la majorité des reporters photographes a un faible niveau d’études. Ce qui peut expliquer le fait qu’ils ne soient pas considérés comme des journalistes à part entière. Car, pour être journaliste, il faut au moins être titulaire du Bac, comme l’exigent les conditions d’entrée dans les écoles de journalisme. »
Plus loin, il met en lumière les compétitions internes au sein des rédactions, générant frustrations et mal-être. « Le champ journalistique a ses pratiques, ses rites, ses normes organisationnelles, ses imaginaires. Mais surtout, c’est un lieu de compétition où se nouent des rapports de pouvoir entre acteurs. Certains ont du pouvoir, d’autres n’en ont pas ». Toujours est-il que les photoreporters, qu’ils soient formés ou non, sous contrat ou freelances, méritent reconnaissance, respect et un statut adapté. Pour cette belle et exaltante mission qui leur est confiée : montrer les maux du monde et donner vie aux événements.
Par Abdoulaye DIALLO
abdoulaye.diallo@lesoleil.sn