La ville de Ndar en valait bien la chandelle. Un cahier spécial et encore des pages sur plusieurs éditions. Le quotidien national Le Soleil a revisité cette semaine les fastes de l’ancienne capitale du Sénégal et de l’Afrique occidentale française (Aof). Ambiance de Takussan et de fanal, jeux de faux lions, festivals de danse, de jazz sur les places publiques, des expositions de photographies, de peintures dans les musées dédiés, rencontres autour du livre, balades sur le fleuve au bord du Bou El Mogdad, fièvre du rendez-vous chaque 15 août, concerts à l’Institut culturel de la ville… Oui, Saint-Louis est bien une carte postale.
La cité trois fois centenaire reste incontestablement une destination majeure dans l’agenda culturel et touristique national. La grande ville du Nord demeure une place forte de culture et de tourisme. D’ailleurs, la légende voudrait que l’hospitalité sénégalaise, la Téranga, ainsi que le plat national, le « Tiébou dieune » nous viennent de la région du Fleuve… La réputation de Ndar comme cité de l’élégance dépasse les frontières du pays. Et au fil des années, nationaux, touristes étrangers, artistes créateurs du monde, ne se lassent point d’y séjourner chaque fois que l’occasion se présente. Des célébrités comme les pianistes autrichien Zoe Zawinul et américain Randy Weston qui se sont produits au festival international de jazz de la ville, ainsi que l’acteur français Richard Bohringer, qui a joué dans « Les caprices d’un fleuve », film tourné à Saint-Louis par Bernard Giraudeau, en sont tombés amoureux.
Avec sa plage le long de l’océan Atlantique, ses parcs d’oiseaux, son long fleuve tranquille, ses us et coutumes, ses nombreux lieux de villégiature, Saint-Louis du Sénégal et son architecture classée patrimoine mondial par l’Unesco continuent de faire rêver les visiteurs. Les mélomanes et les férus d’art ne sont point dépaysés en enjambant le fameux Pont Faidherbe, cette gigantesque architecture en fer balayée tous les matins par une brume et une douce fraîcheur. Saint-Louis, c’est également son université publique, avec son bouillonnement intellectuel et scientifique, dont le parrain est le philosophe métis Gaston Berger (1896-1960) natif de la ville et père du célèbre chorégraphe Maurice Jean-Berger dit Maurice Béjart. Mais l’envers du décor à Ndar, c’est l’érosion côtière avec l’océan Atlantique qui détruit les habitations des quartiers de pêcheurs de la Langue de Barbarie.
Cette partie de la commune, entre la furie de la brèche du fleuve et les vagues de l’océan qui, depuis les années 90, se vide de son monde réinstallé sur le continent ferme entre les quartiers Ngallèle, Bango et le faubourg de Sor, à quelques kilomètres de l’île. Une bataille contre la nature que l’homme semble perdre dans l’ancienne capitale de l’Afrique occidentale française. Saint-Louis, c’est également la vétusté des anciennes bâtisses héritées de ce passé colonial. Des demeures menaçant ruine dont les habitants n’ont souvent pas assez de moyens pour les réhabiliter. Des populations également impuissantes devant les hordes d’enfants mendiant dans les rues de l’île et les quartiers environnants. Des centaines de talibés sont souvent laissés à eux-mêmes, quémandant leur pitance ou des pièces de monnaie dans les artères de Saint-Louis à longueur de journée. Un phénomène qui a fini par heurter la conscience des visiteurs étrangers à Ndar, qui ne comprennent point que de si frêles vies soient livrées à elles-mêmes, souvent devant l’indifférence généralisée.
Comme c’est le cas dans d’autres grandes villes du pays, à Dakar, Thiès, Mbour, Kaolack, Ziguinchor, où le phénomène de la mendicité des enfants talibés grandit sans cesse. Un phénomène constaté d’ailleurs par le Premier ministre sénégalais, qui l’a fustigé, samedi dernier à Dakar, lors d’une randonnée dédiée à la défense et à la protection des droits des enfants. Ousmane Sonko a exprimé son indignation face à l’ampleur de la mendicité au Sénégal. Et en déplorant la professionnalisation de ce phénomène surtout chez les enfants, le Chef du gouvernement a alors promis aucune tolérance de la professionnalisation de la mendicité, « encore moins cette recrudescence de la violence sur les enfants qui sont en train de prendre forme dans notre pays ». Ainsi, il a fermement promis que d’importantes réformes seront mises en œuvre pour mettre fin à l’exploitation de ces Talibés dans la rue, estimés déjà en 2019 à plus de 100 000 enfants par l’Ong Human Rights Watch… omar.diouf@lesoleil.sn