À la faveur de longues escales, à la fois à Casablanca et à Tunis, de vives discussions se lancent, sur fond de passions dans la ligne de défense adoptée, entre confrères de l’ouest-africain sur les régimes militaro-civils dans ces pays. Le sujet sur la légitimation prochaine du pouvoir de Brice d’Oligui Nguema qui, en un peu plus d’une année après son pustch, va parvenir à organiser une élection qu’il va remporter et asseoir davantage son pouvoir, occupe les esprits.
Contrairement à ses pairs de l’ouest-africain qui sont empêtrés dans une transition sans fin. Le scrutin du 12 avril sonnera comme un raz-de-marée, un plébiscite puisque le jeune président est élu pour un mandat de sept ans avec 90 % des voix. Les justificatifs ne manquent pour le ressortissant nigérien, dont le président Tiani, pour s’octroyer un mandat bonus de cinq ans sans scrutin et renforcé de deux étoiles, passant de général de brigade à général de corps d’armée d’un coup. Pour lui, en bas les règles ou la démocratie. Pourvu que la France dégage. Son raisonnement est simple. Le putschiste est pardonné pour tous ses écarts et égards vu qu’il est parvenu à dégager, au diable, les Français. La démocratie ? Il n’en a cure et conteste même sa principale victime dans son pays : le président Bazoum. Il remet d’ailleurs en cause la régularité de son élection au prétexte qu’il est d’une ethnie minoritaire qui jamais ne pourrait remporter un scrutin démocratique.
Ses délires cernent également les civils qui ont échoué quand il est aidé par l’homme intègre qui n’est pas forcément tendre avec son régime. Mais attention, Ibrahima Traoré ne badine pas aussi avec les écarts de langage puisque les deux premiers responsables de l’Association des journalistes burkinabè sont aux arrêts depuis plus de deux semaines. La France, la démocratie et les régimes civils sont au banc des accusés pour ces camarades qui oublient que les militaires ont plus régné, depuis l’indépendance, chez eux que les civils. Ces militaires avancent, depuis l’avènement de Robert Guei en Côte d’Ivoire le 24 décembre 1999, l’urgence de « rectifier le tir » et de « remettre de l’ordre dans la maison », souillée par les civils. Heureux que Tidiane Thiam soit accepté pour participer à la prochaine présidentielle avant qu’un autre illuminé ne vienne jouer les trouble-fête. Aujourd’hui encore, cet argument des militaires est accolé à la nécessité de chasser les terroristes et les djihadistes qui sèment désolation et tueries chez les populations. Alors qu’ils ne vont jamais au front.
À la remarque qu’ils préfèrent les salons dorés des capitales et de s’enrichir en trahissant leur serment, les camarades leur trouvent des circonstances atténuantes. Ces régimes se conjuguent aussi avec dictature et réduction des libertés. « Les dictatures sont des voies à sens unique. La démocratie est à double sens », disait pourtant le romancier et journaliste italien Albert Moravia. La démocratie à l’africaine est de plus en plus prônée chez certains Africains. Sans pour autant remettre en cause fondamentalement la théorie de Winston Churchill : « La démocratie est la pire forme de gouvernement à l’exception de toutes les autres formes qui ont été essayées au fil du temps ». Alors ne faudrait-il pas essayer la recommandation de Thierno Souleymane Baal, chantre de la révolution torodo de 1776 : confier le pouvoir à ceux qui ont les meilleures valeurs et les savants.
L’idée était aussi de faire comprendre que les limites de la démocratie, à l’occidentale comme ils le disent, sont d’ordre quantitatif. Le grand nombre n’est pas toujours éclairé dans ses choix et décisions. « Les masses sont par définition folles », disait l’autre. Encore que pour la militante iranienne et première Nobel de la paix de son pays pour ses efforts considérables et novateurs en faveur de la démocratie et des droits de l’homme, en particulier les droits des femmes, des enfants et des réfugiés, Shririn Ebadi, « La démocratie ne reconnaît pas l’Est ou l’Ouest : la démocratie est simplement la volonté du peuple. Par conséquent, je ne reconnais pas qu’il existe différents modèles de démocratie. Il n’y a que la démocratie elle-même. » ibrahimakhalil.ndiaye@lesoleil.sn