Dans son ouvrage fétiche « Civilisation et Barbarie », le Pr Cheikh Anta Diop rappelait l’importance capitale des métiers et du savoir-faire technique qui ont permis à la civilisation de l’Egypte antique de rayonner.
Le Pr Oumar Dioum, dans une vidéo sur Facebook, s’exprimant sur la question des métiers, rappelle que « la première manifestation de l’intelligence, c’est quand on utilise ses mains pour travailler et créer. En Afrique soudano-sahélienne, vers le 12è-13è siècle, beaucoup de noms de famille dérivent de métiers que pratiquaient les ancêtres des personnes ». Pour lui, la réhabilitation des métiers est plus qu’un impératif parce que, dit-il, « il n’existe nulle part au monde une civilisation qui se soit développée et qui soit dominante sur la base de la cueillette, de la chasse et de pêche ». En effet, les métiers, véritables vecteurs de transmission du savoir-faire, permettent d’avoir des compétences et donc de s’insérer rapidement dans la vie active. C’est sur les métiers que repose, en réalité, la formation professionnelle.
Mais nos systèmes éducatifs africains, notamment ceux francophones s’attardent sur des choses dont les élèves n’ont véritablement pas besoin. Au lieu des compétences, on s’attarde sur des généralités. De nombreux enseignants continuent d’exiger des élèves voire des étudiants un apprentissage par cœur. « Rendez-moi mes mots », nous disait un de nos professeurs à l’université. Or, le cerveau est fait pour réfléchir, amener de la créativité. Autant dire qu’il il est nécessaire de reconsidérer nos systèmes éducatifs si l’on veut vraiment tendre vers le développement. Il s’agit d’identifier d’abord les besoins du marché, des entreprises qui, souvent, ont des offres, mais qui n’arrivent souvent pas à trouver une main-d’œuvre qualifiée parce que la formation et les attentes de ces entreprises ne correspondent pas. Former par rapport aux attentes du marché, tel est l’impératif qui s’impose à notre système éducatif. Cela passe à la fois par la création de centres de formation professionnelle et de lycées professionnels afin de créer l’emploi et favoriser particulièrement l’auto-insertion.
Certes, des pas ont été faits dans le pays. Toutefois, le rythme semble très lent par rapport aux besoins pressants du marché, des entreprises surtout avec la découverte du pétrole, du gaz et d’autres minerais. Le monde d’aujourd’hui a beaucoup plus besoins de praticiens que de théoriciens, encore plus dans notre continent. L’avantage des métiers, c’est que souvent l’on n’a pas besoin de faire de longues études. Dans son offre de formation, le Centre national des qualifications professionnelles (Cnqp) a un programme de préparation à l’emploi pour des jeunes sans qualification. Un exemple à populariser. Les métiers ne manquent pas, notamment dans l’agriculture, principale niche à exploiter. L’exemple du machinisme agricole le démontre à suffisance. Le Sénégal a fait un pas dans ce domaine.
En effet, plusieurs initiatives existent pour soutenir le machinisme agricole comme le Centre sectoriel de formation professionnelle (Csfp) de Diama (dans la Vallée du Fleuve) qui forme des techniciens en utilisation et maintenance des équipements agricoles et le projet de centres de services de machines agricoles en cours de création dans la même Vallée (Dagana, Podor), en partenariat avec la Corée du Sud. Toutefois, l’impact ne se fait encore sentir à une plus grande échelle. Outre l’agriculture, de nombreux domaines sont à explorer.
Selon Sencampus (juillet 2025), le marché de l’emploi est en pleine mutation, de nombreux secteurs connaissant une forte croissance : les technologies, les énergies renouvelables, la santé, les Btp… La plateforme Sencampus, qui met en relation élèves et établissements, d’offrir alors la liste des formations les plus recherchées au Sénégal avec leurs avantages et débouchés. Entre autres, les métiers du numérique comme le Développement web et programmation mobile, Cybersécurité et Data science, mais aussi les Énergies renouvelables, l’Environnement, l’Agroalimentaire, la Santé et Technologies médicales, la Logistique, les Btp et génie civil, le Management et ressources humaines, le Marketing digital et communication. Le potentiel est donc bien là, il suffit de l’exploiter à bon escient.
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