«Méfions-nous du commentaire qui crée l’événement », conseillait Alexandre Dumas. Nicolas Sarkozy, visiblement, ne l’a jamais vraiment retenu. Affilié dans ses débuts aux monarques de droit divin du XVIIIe siècle, à une époque où l’Europe peinait à sortir du Moyen Âge, ses récents déboires judiciaires l’éloignent encore davantage de cette référence.
Là où le despotisme éclairé de Louis XVI de France, Frédéric II de Prusse, Charles III d’Espagne ou encore Catherine II de Russie s’inspirait des philosophes des Lumières comme Voltaire ou D’Alembert, Sarkozy avait choisi comme guide intellectuel Henri Guaino, un tout autre registre. Depuis son départ de l’Élysée, l’ancien président français traîne derrière lui une succession d’affaires judiciaires : pas moins de cinq. La dernière en date est celle du financement libyen présumé de sa campagne électorale de 2007.
Ce cinquième procès en cinq ans s’est ouvert lundi à Paris. Nicolas Sarkozy est accusé, aux côtés de trois anciens ministres, d’avoir bénéficié de financements illégaux de la part de la Libye de Mouammar Kadhafi. Selon l’accusation, un « pacte de corruption » aurait été conclu à l’automne 2005, sous la tente du leader libyen, connu pour sa générosité envers ses visiteurs étrangers. À l’époque, Sarkozy, alors ministre ambitieux et très médiatisé, préparait déjà son ascension à la présidence. Si le montant exact des financements présumés n’a pas été établi après dix ans d’enquête, un « faisceau d’indices » a convaincu les juges d’instruction. Cette campagne, qualifiée de corrompue par l’accusation, aurait permis à Sarkozy de diriger la France de 2007 à 2012 en « monarque mal éclairé », notamment vis-à-vis de l’Afrique.
Un discours de Dakar qui résonne encore
Retour en mai 2010 : après des mois de détention, la Française Clotilde Reiss est libérée. Le président sénégalais Abdoulaye Wade revendique alors la paternité de cette libération en tant que « négociateur en chef ». Mais Nicolas Sarkozy remercie publiquement, dans l’ordre, trois chefs d’État : le Brésilien Lula da Silva, Abdoulaye Wade et enfin le Syrien Bachar al-Assad. Ce classement est vécu comme un affront par Wade, dont le rôle dans ce dossier n’a pas été reconnu à sa juste mesure. Ce n’était pas la première fois que Sarkozy suscitait l’indignation en Afrique.
Le 26 juillet 2007, lors de son célèbre discours de Dakar écrit par son sherpa intellectuel Henri Guaino, il déclarait : « Le drame de l’Afrique, c’est que l’Africain n’est pas assez entré dans l’histoire. » Il tempérait ensuite cette affirmation controversée en rappelant que la colonisation française avait « construit des ponts, des routes, des hôpitaux, des dispensaires, des écoles », comme pour minimiser les conséquences de l’esclavage et de la colonisation. Ces propos font de Sarkozy une figure difficilement assimilable aux despotes éclairés du XVIIIe siècle.
Ces derniers combinaient une autorité affirmée et une volonté progressiste portée par des idéaux universels. Sarkozy, lui, semble s’être contenté d’une posture autoritaire, sans jamais atteindre l’éclat des Lumières même à bientôt 70 ans.
Réanimer l’espoir de 1975 (Par Samboudian KAMARA)