Le ramadan, mois de privation de nourritures, est par excellence et paradoxalement une période faste d’abondance de victuailles de toutes sortes. Ce mois se conjugue en termes de solidarité pour les musulmans. Paniers « ndogou » chargés de produits alimentaires et de boissons, « soukeurou kor » qui se donne en nature comme en espèces, envois et transferts d’argent… inscrits dans les œuvres pieuses qu’évertuent de faire les croyants. Envers leurs frères et sœurs en la foi, ou encore à l’endroit d’inconnus dans le plus grand besoin. Espérant, comme le suggère le texte coranique, une divine récompense. « Quiconque fait à Dieu un prêt sincère, Dieu le lui multiplie, et il aura une généreuse récompense », indique le Coran au verset 11 de la sourate 57. Un autre verset, tiré de la sourate Al Hujurat verset 10, constitue un des fondements forts de la solidarité en Islam.
Celui-ci dit que « Les croyants ne sont que des frères. Établissez la concorde entre vos frères, et craignez Allah, afin qu’on vous fasse miséricorde. » Une solidarité qui va au-delà des liens familiaux pour embrasser toute la communauté. Elle devrait ainsi contribuer à la force et à la stabilité de la communauté musulmane. Le ramadan, très propice en nourriture spirituelle également, est donc mis à profit pour dépenser sans compter. Même pour le pauvre « gorgorlu » frappé par une forte crise ou une inadéquation entre ses revenus et ses besoins. Dire qu’il est sur-sollicité pour aider ailleurs alors que ses propres besoins ne sont pas couverts. Ainsi, vogue-t-on, dans ce Sénégal où les saisons s’épilent au rythme de nos nombreuses fêtes et autres manifestations religieuses et familiales. Impossible donc de constituer une épargne qui financerait un investissement et s’attendre à un profit ou bénéfice à réinvestir. Le drame est que de nombreux Sénégalais ne parviennent pas à boucler leur fin de mois. Ou encore à effleurer la queue du diable. Sur un autre registre, ce n’est pas la solidarité en tant que telle qui pose problème dans l’aide et l’entraide qu’on apporte aux autres.
L’incompréhension survient quand le choix du bénéficiaire pose problème. L’Islam organise pourtant les dons qui doivent être faits entre musulmans. La zakat, annuelle en principe, reste une obligation pour tous ceux qui le peuvent tout comme il est permis et encouragé de faire l’aumône à la hauteur de ses moyens toute l’année durant. Ce qui favorise la solidarité sociale et aide les plus nécessiteux. De plus, il est possible, en l’absence d’une organisation islamique, de verser des dons à des associations pour les aider à réaliser de grandes actions et pour subvenir aux besoins des plus démunis. La solidarité sera encore mise en exergue vers la fin du ramadan avec la zakat al fitr. Celle-ci est faite en signe de gratitude à Allah pour nous avoir permis de jeûner le mois de ramadan et nous purifier. Son autre but est de nourrir les plus démunis et les nécessiteux qui devraient aussi célébrer la fête avec le minimum. Le démuni, le nécessiteux, l’orphelin…
Des termes qui reviennent dans le livre sacré des musulmans, mais aussi une indication des personnes à aider en priorité. Aussi, Allah Exalté soit-Il, dit dans la sourate Al Insân aux versets 9 et 10 : « …et offrent la nourriture, malgré son amour, au pauvre, à l’orphelin et au prisonnier (de guerre), C’est pour le visage d’Allah que nous vous nourrissons : nous ne voulons de vous ni récompense ni gratitude ». La plupart des bénéficiaires des paniers « ndogou » se comptent parmi les couches aisées dans notre société. Cesdits paniers proviennent très souvent d’entreprises, de cercles, de regroupements très organisés de salariés qui récoltent les dividendes de leurs cotisations ou la générosité de la structure qui les emploie. Aucun mal à cela.
Le nombre de mendiants dans nos rues et artères, les difficultés de nombreuses familles dans la capitale à honorer les trois repas quotidiens, les interpellations dont nous faisons l’objet dans les grandes surfaces, mosquées, guichets automatiques de banque… ont fini par édifier sur la grande paupérisation de la société. En ramadan comme durant toute l’année. Il se pose alors une nécessité de gérer la solidarité. En toute urgence. Certains diront qu’il n’appartient pas à l’État de le faire, même si d’autres rétorqueront que la solidarité doit être son apanage tout comme les secours en cas de catastrophe. « La solidarité doit s’éclairer à l’ombre de l’espoir », soutenait Sonia Lahsaini. Il nous faut en faire une tendresse des peuples. Et surtout ne pas oublier que le croyant doit donner de son temps et de sa personne pour mieux asseoir cette solidarité. Dans un cœur saint et pur. ibrahimakhalil.ndiaye@lesoleil.sn
Réanimer l’espoir de 1975 (Par Samboudian KAMARA)