Les alertes et autres recadrages n’ont manifestement rien changé. Les dérapages verbaux, les injures et les violences se poursuivent sans relâche sur nos plateaux de télévision. Et la vraie question que tout le monde doit désormais se poser est la suivante : où va le Sénégal ?
Où ces dérives quotidiennes dans nos médias nous conduisent-elles ? On pensait avoir tout vu, tout entendu. Eh bien non. Les incidents médiatiques de la semaine dernière dépassent l’entendement, interrogent notre modèle démocratique et mettent à rude épreuve notre vivre-ensemble. Tout commence le vendredi 4 juillet au soir, dans une émission télé. Une scène pour le moins surréaliste s’y déroule : des débatteurs déchaînés, s’invectivant et se livrant à des échanges d’une rare virulence. Le lendemain, deux journalistes issus de médias réputés sérieux se sont eux aussi illustrés par des prises de parole choquantes. L’un, coutumier du fait, a exprimé un mépris flagrant à l’encontre du Premier ministre, dans un bloc d’informations que l’on pourrait ironiquement rebaptiser « Les railleries folles du matin ».
Le second, réagissant à cette sortie, a appelé le tandem Sonko-Diomaye à adopter une ligne dure, allant jusqu’à recommander des méthodes répressives – dans la lignée de celles employées sous Macky Sall – pour faire taire les médias critiques vis-à-vis du régime. Une telle posture est absurde, antidémocratique, et en complète contradiction avec les principes et valeurs longtemps portés par une démocratie majeure comme la nôtre. À cela se sont ajoutées des convocations précipitées à la Division spéciale de cybercriminalité (Dsc), entraînant une vague de réactions politiques. Nombre d’acteurs en ont profité pour cibler le gouvernement, brandissant des expressions désormais bien rodées : « menace sur la liberté d’expression », « pouvoir totalitariste », « dérives autoritaires », « dictature rampante ». Un seul accusé ressort systématiquement, omniprésent dans les discours : Ousmane Sonko.
Même lorsqu’un simple militant, au fin fond d’un village, entre en conflit avec un autre citoyen, c’est encore Sonko qui se retrouve mis en cause. L’homme est devenu l’empêcheur de tourner en rond, celui qu’il faudrait absolument faire tomber pour exister politiquement et se tailler une place sous le soleil du Sénégal. Mais le président du Pastef, en homme avisé, semble avoir compris le piège. Lors de sa dernière allocution, jeudi dernier, il a clairement indiqué qu’il sait ce qui se trame. Contre lui. Contre Diomaye. Mais surtout contre le Projet : « Ils me visent, mais en réalité, c’est le pouvoir qu’ils veulent. Dès qu’ils en auront fini avec moi, ils s’en prendront à Diomaye ». Dans un moment aussi crucial de la vie nationale, avec les réformes annoncées et la possibilité d’un nouveau départ, le Premier ministre a donc raison de demander aux militants de se constituer en rempart, de se soutenir mutuellement, sans jamais perdre de vue l’objectif : transformer la structure économique du Sénégal et œuvrer au bien-être de ses citoyens.
Un objectif difficilement atteignable dans un pays devenu un amphithéâtre à ciel ouvert, en proie à un désordre constant, multipliant les dérives, sans qu’aucune autorité ne lève le doigt pour dire : stop, ça suffit. Et c’est précisément toute la portée du dernier discours du Premier ministre Sonko : il marque la fin de la récréation et appelle au travail, au respect des engagements pris devant le peuple sénégalais. Il ne s’agit pas d’instaurer une police de la pensée, mais bien de faire régner l’ordre tout en garantissant l’exercice des droits et libertés dans un État debout, digne et libre.
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