Les affrontements entre chauffeurs et forces de l’ordre, survenus hier à Ziguinchor à cause de l’arrivée d’un nouvel opérateur dans le secteur, rappellent des scénarios du passé, le côté violent des évènements mis de côté. Eh oui, ce n’est pas la première fois qu’on observe ce genre d’opposition farouche des acteurs traditionnels qui craignent une menace sur leurs activités (concurrence déloyale, dit-on souvent).
En 2018 déjà, une vive tension entre Sénégalais et transporteurs maliens avait eu pour cadre la gare des Baux maraîchers. Les premiers interdisant aux seconds d’embarquer des passagers sur le corridor Dakar-Bamako. Un syndicaliste sénégalais criait à la violation de l’accord organisant l’activité. L’année dernière, on s’offusquait, du côté des transporteurs, que la société Dakar Dem Dikk déploie des bus à la gare routière des Baux maraîchers, à la veille de la fête de Tabaski, une période de forte augmentation des tarifs. On peut donc valablement se demander ce qui explique ce genre de réactions, à chaque fois qu’un opérateur investit ce secteur qui a besoin d’un coup de jeune et qui est loin de satisfaire les usagers. Pour preuve, les nombreuses altercations avec les passagers, qui ne se font pas prier pour déverser d’effrayantes imprécations sur le chauffeur ou son receveur (apprenti) et même sur toute leur corporation mise dans le même sac.
Il faut dire aussi que l’inconfort à bord de certains véhicules, bons pour la ferraille, ajoute à une tension déjà tendue bien avant le départ. On se demande même par quelle magie ces caisses parviennent à passer l’étape de la visite technique. Quand on additionne le tout, forcément cela donne un sentiment d’insatisfaction des usagers. Et tant que le service n’est pas amélioré à la hauteur du client, qui est tout sauf roi au moment de voyager à ses propres frais, il y aura toujours incompréhensions de part et d’autre. Mais surtout, il y aura encore des parts de marché à prendre par qui propose un service de qualité alliant confort à bord, respect des heures de départ, courtoisie… Malheureusement, nos transporteurs tardent ou peinent à moderniser leur secteur, et ce ne sont pas avec les bus Ndiaga Ndiaye ou cars rapides, encore moins l’apprenti perché sur le marchepied et prêt à invectiver à la moindre remarque, qu’ils réussiront à passer à la vitesse supérieure. On espérait de la qualité avec l’avènement des bus dits « Tata », mais ils ont été vite rattrapés par les mêmes maux et le problème est resté entier. C’est à croire que nos acteurs sont réfractaires à tout changement.
Il ne s’agit pas d’attendre tout de l’État, mais de s’organiser pour être en phase avec les nouvelles exigences des clients qui se soucient de leur confort et de leur sécurité. La nature ayant horreur du vide, les opérateurs qui offrent ce minimum voient leurs bus pris d’assaut. Au 21e siècle, des entreprises de transport routier privées offrent des liaisons sur plusieurs pays de la sous-région à des tarifs très compétitifs. Sur ce terrain, les Maliens ont pris de l’avance sur les Sénégalais qui semblent se plaire dans l’informel. Il urge maintenant de combler ce retard en investissant davantage dans la modernité et le confort, et c’est cet effort qui est attendu de nos entrepreneurs pour donner un nouveau souffle au transport sénégalais. Ndiaga Ndiaye a laissé son nom à la postérité en jouant sa partition en son temps en mettant sur les routes des véhicules en phase avec leur époque. Cette période où ces bus faisaient la fierté des usagers est révolue. Ce conservatisme au détriment de l’usager doit céder la place à l’innovation et à l’audace d’investir. Tout immobilisme se fera aux dépens des conservateurs et au profit de ceux qui osent entreprendre. Et ce que ces derniers attendent de l’État, c’est la sécurisation de leur investissement. Nos autoroutes sont assez larges et ceux qui ne roulent pas vite se feront forcément larguer loin derrière. malick.ciss@lesoleil.sn
Réanimer l’espoir de 1975 (Par Samboudian KAMARA)