«Faut-il brûler la Jeanne d’Arc ? », avait titré, dès son 3e numéro le 24 septembre 1991, l’hebdomadaire sportif sénégalais « Le Sportif ». Cela, en référence au triste sort qui avait été fait à « la Pucelle d’Orléans » qui a donné son nom au club dakarois qui fêtait alors ses 70 ans. Accusée d’hérésie, la résistante française avait fini ses jours à Rouen, le 30 mai 1431, sur un bûcher.
Trente ans, après l’accession du Sénégal à l’indépendance, le journal avait posé « la question qui a paru à certains interlocuteurs bigrement saugrenue », selon la formule de l’auteur de l’article d’ouverture, l’excellent Alain Agboton disparu depuis, de savoir s’il fallait débaptiser ce club créé en 1921. Plus de trois décennies plus tard, les considérations sémantiques, historiques, sociologiques voire philosophiques liées au débat sont passées de mode. Celui-ci est aujourd’hui plus prosaïque et transcende même la famille bleu et blanc : comment sauver la « Vieille Dame » ?
Car, comme l’on le disait ici même concernant l’Ecurie de Fass, la JA est un patrimoine national. Sur la scène continentale, elle a écrit les plus belles pages du football sénégalais de club. Avec notamment une place de finaliste de la défunte Coupe d’Afrique des vainqueurs de coupe en 1998 et une qualification (jusqu’ici inégalée au plan local) en demi-finales de la Ligue des champions en 2004. Des performances synonymes, pendant quelques années, d’usufruit pour le foot sénégalais dont la cote avait grimpé à l’indice CAF. Ce qui lui avait ainsi valu de pouvoir aligner deux représentants en compétitions continentales des clubs. Depuis, la Jeanne d’Arc s’est rendue coupable de dissensions et querelles internes, de tiraillements et de batailles d’intérêts divers qui l’ont plongée en National 1.
Autant dire au sous-sol du football national. Le comble pour une équipe qui a tutoyé les cimes africaines. Car, si les autres sections (athlétisme, basket, etc.) fonctionnent tant bien que mal, le foot qui en est la vitrine, est lézardé. Presqu’en ruines. Un véritable crève-cœur qui méritait qu’on tût toutes les haines et rancœurs, tous les ressentiments et toutes les prétentions et ambitions personnelles pour administrer un lifting et une cure de jouvence à la JA. Avant-hier, samedi donc, les « enfants et petits-enfants » de l’honorable Dame centenaire ont lavé leur linge sale en famille au cours d’une assemblée générale qui a consacré les retrouvailles du peuple bleu et blanc autour du seul objectif qui vaille : remettre leur club sur les bons rails et s’employer à lui redonner son lustre d’antan.
Un consensus a semblé avoir prévalu qui n’est pas sans rappeler le fameux « Manko wutti ndam li », ce slogan porteur autour duquel s’est construit le chemin vers le premier titre continental du Sénégal, lors de la CAN « Cameroun 2021 ». Après-demain mercredi, sauf grosse surprise, Joseph Gabriel Sambou devrait officiellement hériter de la présidence du club. Un ingénieur polytechnicien, spécialiste entre autres secteurs de la construction d’infrastructures routières et ferroviaires, pour maitre d’œuvre de la relance d’une machine fortement grippée…
En plus, comme pour la première fois depuis longtemps, les JAmen semblent avoir mesuré à sa juste valeur le retard que leur cuisine interne de mauvais goût leur a causé et décidé de dire STOP, l’espoir est permis qu’une nouvelle vie commence enfin pour la JA. Et demain mardi déjà, en championnat, une mobilisation comme l’on en a plus vue depuis au moins une décennie est annoncée. Histoire d’impressionner l’adversaire du jour, Africa Promo Foot et surtout de prouver à tout le foot national que la nouvelle « Vieille Dame » est arrivée…
Réanimer l’espoir de 1975 (Par Samboudian KAMARA)