Un an déjà. Un an que Bassirou Diomaye Faye a pris les rênes du Sénégal, porté par une vague d’espoir et d’attentes immenses. Un an d’épreuves et de réformes, dans un pays où chaque jour apporte son lot d’urgences et de défis. L’heure n’est ni au triomphalisme ni au procès en inaction, mais à un premier regard lucide sur le chemin parcouru.
L’accession au pouvoir de Bassirou Diomaye Faye, premier président issu de l’opposition depuis l’alternance de 2000, incarnait une promesse : celle d’un renouveau démocratique et d’une gouvernance vertueuse. Mais entre l’idéal et la réalité, le fossé est souvent large. Gouverner, ce n’est pas seulement incarner un espoir, c’est aussi faire face aux contraintes du présent, gérer l’héritage du passé et anticiper les défis de l’avenir. Dans un contexte marqué par une situation financière précaire et des tensions sociales latentes, le président a dû agir vite, trancher et imposer son cap.
Dès son entrée en fonction, Bassirou Diomaye Faye a placé la bonne gouvernance au cœur de son action. La lutte contre la corruption, cheval de bataille de son administration, s’est traduite par des actes forts. La publication des rapports des corps de contrôle a levé le voile sur une gestion des finances publiques bien plus désastreuse qu’anticipé. L’endettement du pays, les détournements de fonds et les malversations sous l’ancienne administration ont été mis en lumière, provoquant à la fois indignation et inquiétude.
Face à cet état des lieux accablant, l’exécutif a riposté en mettant en place des mécanismes de reddition des comptes. La création du Pool judiciaire financier en septembre 2024 et de la Haute Cour de Justice en décembre ont marqué une volonté claire de ne plus laisser l’impunité gangréner l’appareil d’État. Désormais, les hauts responsables impliqués dans des détournements de fonds publics savent que la justice n’est plus une illusion mais une réalité. Un tournant décisif qui, s’il est maintenu, pourrait durablement changer les pratiques politiques du pays.
Mais la transparence ne concerne pas uniquement les finances publiques. La gestion du foncier, longtemps minée par des accaparements illégaux, a également fait l’objet d’un examen rigoureux. Dès les premières semaines de son mandat, le président s’est rendu à Mbour 4, symbole de ces dérives, où des hectares de terres avaient été bradés au profit d’intérêts privés. L’audit en cours vise à faire toute la lumière sur ces abus, tandis qu’un moratoire sur les constructions en zones litigieuses a été instauré. Un coup d’arrêt net à des pratiques qui, pendant trop longtemps, ont enrichi quelques-uns au détriment du bien commun.
Au chevet du quotidien des Sénégalais
Si la lutte contre la corruption et l’assainissement des finances publiques étaient attendus, encore fallait-il que ces efforts se traduisent par des améliorations concrètes pour les citoyens. La question du pouvoir d’achat a rapidement été placée au centre des préoccupations. Dès juin 2024, soit deux mois après son investiture, le gouvernement a procédé à une baisse des prix des produits alimentaires de base : riz, sucre, huile, pain. Une mesure symbolique, mais essentielle dans un pays où l’inflation pèse lourdement sur les ménages.
Au-delà des baisses ponctuelles, l’administration Diomaye a cherché à renforcer les secteurs structurants de l’économie, à commencer par l’agriculture. En augmentant le budget des intrants à 120 milliards de FCFA, l’État a permis non seulement de baisser leur coût, mais aussi d’augmenter la quantité d’engrais disponible, soutenant ainsi directement les producteurs. Dans un pays où l’agriculture demeure un pilier central, cette politique vise à renforcer l’autosuffisance alimentaire et à réduire la dépendance aux importations.
La rupture du protocole de pêche avec l’Union européenne en novembre 2024 s’inscrit dans cette même logique de souveraineté. Longtemps dénoncé par les pêcheurs locaux, ce partenariat siphonnait les ressources halieutiques du pays au profit d’intérêts étrangers, mettant en péril l’activité de milliers de Sénégalais. En refusant de renouveler cet accord, le gouvernement a envoyé un signal fort : les ressources naturelles du Sénégal doivent avant tout bénéficier aux Sénégalais. Une décision courageuse, dont l’impact économique et écologique sera observé de près dans les années à venir.
Souveraineté affirmée
Sur le plan diplomatique, le président a également posé des actes symboliques. L’annonce du retrait des bases militaires françaises a marqué un tournant dans les relations sénégalo-françaises. Si la coopération entre les deux pays se poursuit, cette décision témoigne d’une volonté d’affirmer une indépendance longtemps différée. Une posture qui résonne avec d’autres choix stratégiques, comme la diversification des partenariats internationaux, notamment vers la Chine, la Turquie ou les pays du Golfe.
Dans cette quête de souveraineté, le devoir de mémoire n’a pas été oublié. La commémoration du massacre de Thiaroye, avec la reconnaissance officielle par la France de sa responsabilité dans cette tragédie, a marqué un moment fort de réconciliation historique. Un geste qui, bien que tardif, s’inscrit dans une dynamique plus large de réappropriation de l’histoire nationale.
Après un an de gouvernance, le bilan de Bassirou Diomaye Faye montre une dynamique claire : transparence, réformes économiques, affirmation de la souveraineté nationale. La rupture avec l’ancien régime est palpable, les mesures engagées témoignent d’une volonté de transformation en profondeur.
Mais les défis restent immenses. La situation financière du pays demeure préoccupante, et les marges de manœuvre budgétaires sont limitées. La lutte contre la corruption, si elle est saluée, doit s’inscrire dans la durée pour ne pas être perçue comme une simple opération de communication. L’amélioration des conditions de vie des Sénégalais nécessitera des efforts soutenus, et les résultats ne seront pas immédiats.
Un an, c’est peu à l’échelle d’un mandat de cinq ans. Mais ces premiers mois ont eu le mérite de poser des fondations solides. Le président a fixé un cap. Reste à voir s’il saura le maintenir et, surtout, convaincre les Sénégalais que le changement promis ne sera pas un simple mirage, mais une réalité durable.