La scène est insoutenable. Elle a fait le tour de la toile. Après 20 ans de mariage, une dame se voit curieusement expulser de force du domicile conjugal par son mari. La victime, mère de six enfants, a été « chassée » par son époux avec l’aide des membres de sa famille « pour faire place à une nouvelle épouse ».
Elle a même été « violemment battue » avant son expulsion. Sur les réseaux, on raconte que la victime avait non seulement arrêté son emploi dans une grande entreprise pour s’occuper de son homme lorsqu’il était malade et aurait même contribué financièrement à la construction de la maison familiale. Or, la procédure de divorce n’a pas encore abouti. Quel péché a-t-elle commis pour mériter une telle humiliation devant sa progéniture et le voisinage ? Quelle que soit la gravité de son acte, elle ne mérite point ce traitement inhumain et dégradant intervenu en pleine célébration d’octobre rose, mois dédié à la lutte contre les cancers féminins.
Quel que soit le différend, il y a d’autres voies plus appropriées pour procéder à l’expulsion de quelqu’un. Même pour expulser un locataire indélicat, il y a une procédure juridique à plus forte raison quelqu’un avec qui on a partagé une bonne partie de sa vie et avec qui on partage une progéniture. Les conflits entre particuliers se règlent devant les institutions habilitées. Personne n’a le droit de se faire justice soi-même. Face à la sacralité du mariage, de la famille, certains actes sont inqualifiables. Ils ne sont ni moralement, ni juridiquement encore moins admis au plan religieux. En Islam, le divorce est régi par une charte. Il n’est guère souhaité d’expulser comme un malpropre une conjointe après l’avoir répudiée. Voir un chef de famille bousculer, brutaliser et violenter son ex-épouse est un spectacle déshonorant, qui heurte la conscience. Dans une chronique précédente, nous évoquions le pouvoir d’autodiscipline. Cette retenue est encore valable dans cette circonstance. Le mari aurait dû prendre son « mal » en patience jusqu’à l’aboutissement de la procédure judiciaire pour agir légalement.
Par son geste désobligeant, de nombreuses années de sacrifices d’un couple jadis épanoui s’écroulent. L’harmonie s’effrite. Les liens familiaux en pâtissent. Les enfants désœuvrés et peinés de voir leurs parents s’offrir en spectacle à la face du monde avec une stabilité sociale seront à jamais affectés et risquent de ne pouvoir s’en relever facilement. En observant certaines scènes de violences gratuites au sein de notre société, on se souvient encore de la prémonition d’un défunt illustre guide religieux du pays. Il était convaincu de l’urgence d’organiser un « ndeup » national pour circonscrire le mal qui prend des proportions inquiétantes. Surtout que de nombreuses initiatives pour apaiser le climat social et pour une vie en société ou en communauté harmonieuse n’ont pas donné les résultats escomptés.
Des scènes de violences faites aux femmes sont monnaie-courante. Malheureusement, le phénomène ne s’arrête (presque) jamais. La tenue de ce « ndeup » jadis prôné est plus que d’actualité pour faire cesser cette forme de violences basée sur le genre et privilégier le dialogue et la concertation en toute circonstances. À l’ouverture d’un atelier sur les violences basées sur le genre, Fanta Sow de Onu-Femmes, soulignait : « Malgré les avancées considérables du Sénégal avec la ratification du protocole de Maputo, du Plan national de l’abandon des Mutilations génitales féminines (Mgf), les défis restent immenses. Au Sénégal, (…) les violences faites aux femmes sont nombreuses ainsi que les mariages forcés. Ces chiffres portent des visages, des histoires ». Des efforts restent encore à faire à différents niveaux.
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