Dans un pays où la parole a longtemps été un levier de construction démocratique, l’espace public sénégalais semble désormais livré à une inquiétante dérive verbale. L’actualité récente — entre un journaliste reconnaissant avoir mandaté un influenceur pour insulter à sa place, et un activiste tenant des propos outrageants à l’encontre d’un ancien chef d’État — illustre bien cette tendance préoccupante.
La parole politique, autrefois vectrice d’idées, glisse peu à peu vers l’invective, devenue un outil de visibilité plus qu’un acte d’engagement. L’insulte n’est plus un cri de révolte contre un système figé ; elle devient une stratégie, une posture de conquête. Chez nous, on ne défie plus le pouvoir, on le parodie dans l’espoir de l’incarner. Et sur les réseaux sociaux, tout le monde parle, personne n’écoute au point que même les émojis semblent fatigués. Dans une déclaration ferme devant la représentation nationale, le Premier ministre a rappelé la nécessité de réguler cet espace devenu un champ d’affrontements. La « tolérance zéro » qu’il a décrétée traduit une volonté claire : celle de rétablir un cadre à un débat démocratique trop souvent réduit à un vacarme incontrôlé. Il est temps que l’insulte cesse de servir de raccourci à ceux qui n’ont pas pris le temps de forger un véritable discours.
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