La vidéo relatant le cri de cœur d’une jeune dame souffrant d’infertilité est en train de faire le buzz sur la toile. Elle met un coup de projecteur sur la souffrance d’une femme dont la silhouette de rêve a fait fantasmer plus d’un avant qu’elle ne se marie.
Elle est devenue l’ombre d’elle-même depuis qu’elle s’est rendu compte de son incapacité à procréer. Son regard raconte l’histoire d’un grand nombre de femmes, dont l’ego est fouetté au quotidien par des remarques désobligeantes. La plupart ont fini par perdre leur estime de soi. Elles sont souvent victimes de toutes sortes de violences verbales et psychologiques parce que simplement, elles n’ont pas pu enfanter. Une épaisse brume enveloppe leur vie de couple, laquelle n’est plus source d’épanouissement quand l’entourage du mari s’y met. C’est une pluie de paroles aussi tranchantes que l’épée, qui se déverse généralement sur elles. Leur faute, elles n’ont pas été en mesure de mettre au monde au moins un bébé comme le stipulent des règles coutumières. Le mariage, selon certains esprits figés, rime naturellement avec la maternité. Ils exigent à la femme un respect de sa fonction reproductive et sa soumission à des lois favorables à une masculinité dominante. Dans leur entendement, l’éternité se crée à travers la descendance.
Quand des hommes veulent inscrire leur nom dans la postérité, faudrait impérativement leur offrir une progéniture. Dire que cette situation avait incité la romancière et philosophe Simone de Beauvoir à s’ériger contre le fait que l’épouse soit réduite à l’utérus. Ses écrits sont diversement appréciés, mais elle a tenu à bouleverser des schémas traditionnels. Comme d’autres auteurs, elle refuse que le mariage soit cette cage dans laquelle une femme est enfermée comme un oiseau, la reléguant à un rang de femelles. Des changements de mentalité ont pu s’opérer dans quelques pays, avec l’émergence de femmes fortes qui ont assumé cette incapacité à faire des enfants. Toujours est-il que des sociétés patriarcales entretiennent encore le mythe de l’homme incarnant « l’essentiel », « l’absolu » pour parler comme Sartre et de la femme, ce sujet condamné à cultiver le bonheur du mâle. Elle est ainsi astreinte à s’acquitter d’une rançon : offrir une descendance à leur partenaire.
Le mot femme est encore associé, dans certains milieux, à fertilité et fécondité. Dans une publication disponible sur le net, intitulée « La malédiction de la femme stérile » l’anthropologue, sociologue et docteur en ethnologie, Jacques Barou, confirme cette triste réalité. « Dans les sociétés qui acceptent que les femmes puissent avoir une sexualité préconjugale, le fait d’avoir des enfants avec des amants de passage, loin d’être condamné, se révèle au contraire un atout important pour trouver un mari. » Il partage aussi la position de l’anthropologue Françoise Héritier. Celle-ci souligne que « ce n’est ni la perte de la virginité ni le mariage ni même la maternité » qui dévalorise la femme mais l’absence de conception. Cette injustice commence à être dénoncée par des militants des droits de l’Homme, surtout que les récentes découvertes scientifiques ont prouvé que la fertilité, loin d’être l’unique source d’accomplissement de l’humain, ne sonne pas masculin.
Des études montrent que l’infertilité s’écrit également au masculin et qu’elle touche un nombre important d’hommes dans plusieurs pays du monde. Sous nos cieux, bon nombre de femmes ont été condamnées à rester dans leur ménage, à supporter l’infertilité de leur époux alors qu’elles sont en mesure de faire des enfants. La société, au lieu de soigner leurs blessures, ferme les yeux et persiste dans le mal. Elle refuse d’admettre, pour reprendre Jacques Barou, que la stérilité puisse provenir de l’homme. « Même si l’on soupçonne qu’elle est le fait du mari, l’entourage familial, pour protéger celui-ci d’un possible déshonneur, fera parfois tout pour l’attribuer à son épouse », ajoute-t-il. S’il est aussi admis que virilité n’est pas synonyme de fertilité, la honte des hommes à aller se faire soigner continue à causer un lourd préjudice à la gent féminine. Or, il leur est bien possible de se soigner en vue de préserver leur honneur et celui de leur famille. Au lieu de se terrer dans un mutisme, ils gagneraient également à rappeler une injonction de la religion musulmane : c’est Dieu qui accorde la grâce de l’enfantement à qui Il veut. Mieux, la finalité du mariage n’est pas exclusivement la procréation. matel.bocoum@lesoleil.sn