«D’ici à Tambacounda, d’ici à Kaolack-Ndangane… il y a tant de lieux de villégiature », chantait en wolof Youssou Ndour. Le « roi du mbalax » rappelait ainsi à ses compatriotes qu’ils doivent visiter et connaître davantage leur pays et y rester si toutefois l’envie les prenait de se reposer, de faire du tourisme, entre autres.
Mais le hic est que ce n’est pas une simple sinécure d’aller à Ndangane pour découvrir les îles du Sine-Saloum, ou rallier Kédougou pour se baigner dans les eaux douces des chutes du Dindéfélo, ou se rendre au Cap-Skirring au bout de la Casamance naturelle pour flâner sur ses belles plages, ou encore atteindre le village de Deukhlé au cœur du Cayor pour visiter la tombe du Damel Lat-Dior Diop. Il faut passer par monts et vaux, souvent crapahuter sur les routes pour rallier ces sites souvent inconnus de plusieurs Sénégalais, et pourtant très prisés par les férus de voyages venus de l’étranger. D’ailleurs, disons-le d’emblée, la « Destination Sénégal » est souvent mieux vendue par des touristes ou expatriés qui sont tombés sous le charme du pays de la Teranga que les Sénégalais eux-mêmes.
L’autre jour, dans une page Facebook très en vue dans la promotion touristique du Sénégal, l’on vantait les belles plages de la Casamance, celle de Karabane en l’occurrence. L’un des followers s’enthousiasmait que ces plages du Sénégal n’aient rien à envier à celles des Caraïbes. Et voilà qu’un autre s’étrangle pour protester vivement et créer ainsi un bon débat sur les expériences des uns et des autres vécues sur la Petite-Côte de Mbour-Saly, au Cap-Skirring et un peu partout à travers le Sénégal des profondeurs. En lisant ces débats sur la destination Sénégal sur les différents réseaux sociaux, l’on se rend compte que ces « touristes » connaissent mieux du pays qu’un natif de Dakar, Thiès ou Kaolack et autres nationaux. Il nous faut souvent aller visiter le pays profond, Yang Yang, Lambaye, Fissel, Ndiaganio, Diakhao, Niakhar, Guinguinéo, Kahone, Sandiniéry, Paoskoto… des lieux où se sont souvent forgés les mythes et légendes de la nation sénégalaise. Étudiant à Saint-Louis, il nous est arrivé au début des années 90 que d’autres camarades étudiants nous demandent « C’est où Kolda, Sédhiou ou Ziguinchor ? ».
Oui, des Sénégalais ont bien osé poser cette question à d’autres concitoyens. Il nous vient à l’esprit justement, dans les années 80, dès qu’on traversait le ferry sur le fleuve Gambie pour arriver à Sénoba le village sénégalais frontalier pour entrer en Haute Casamance, les vieilles personnes demandaient avec bienveillance « Comment vont ceux du Sénégal ? ». C’est-à-dire les habitants de Dakar, et ceux des autres agglomérations du reste du pays. Il était fréquent que le voyageur fasse deux jours pour rallier Dakar, la capitale, à Ziguinchor, Sédhiou, Kolda ou Vélingara en passant par le ferry de Farafenni en République de Gambie. Cet enclavement de la Casamance avec ce passage, jadis un calvaire pour les voyageurs, a longtemps créé une césure entre les parties nord et du Sénégal. Aujourd’hui, presque plus de trente ans après, les choses ont changé.
Le bateau Le Joola, puis le navire Aline Sitoé, les vols nationaux vers Ziguinchor, Cap-Skirring, souvent Kolda, la construction d’un pont sur le fleuve Gambie, les navettes d’autobus privés dits « Horaires », puis les bus de la société publique Dakar Dem Dikk ont rapproché les citoyens du Sud au reste du pays. À ces moyens modernes de transports interurbains, une ligne de chemin de fer moderne qui traverserait le pays du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, ainsi qu’une autoroute prolongée de Kaolack à Ziguinchor, en passant par Tambacounda, Vélingara et Kolda, sortiraient définitivement les populations de ces contrées de leur sentiment d’être abandonnées à elles-mêmes ou oubliées par les politiques du pouvoir central. Il existe beaucoup de coins du pays qui souffrent d’enclavement du fait de ce manque de bonnes routes. Il suffit juste d’étaler la carte du Sénégal pour le constater… omar.diouf@lesoleil.sn