Lors de la création, en 1996, du Réseau des zones humides (Renzoh), le Sénégal était déjà partie (signataire) à la Convention de Ramsar, du 02 février 1971, relative aux zones humides d’importance internationale qui a pour objet de protéger les zones humides (marais, mangroves, lagunes d’une manière générale, toutes les étendues peu profondes naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires), s’applique à tous les cours d’eau, à tous les lacs, quelle que soit la surface, et à tous les rivages marins.
L’étude de la Commission du Fleuve Sénégal du Renzoh a consisté à faire un inventaire des sites sacrés dans les zones humides du Delta et de l’ensemble de la vallée et d’en analyser la valeur symbolique. Cette étude a mis en évidence l’importance des zones humides concernées en tant que sites archéologiques et donc vestiges d’une très longue histoire considérés comme des archives historiques et culturelles par les communautés locales. « Les zones humides sont la boîte noire des civilisations passées et actuelles », concluent les chercheurs qui ont investi la question pour qui le site symbolique du groupe social est considéré comme un lieu et une instance qui participent de la panoplie d’institutions adaptatrices. Selon le Dr Abdou Dia qui a dirigé ce travail sur le terrain, cette sacralisation de ces lieux particuliers est une illustration de systèmes construits de recherche d’harmonie communautaire et d’un modèle endogène de gestion qui « prennent des formes mythiques, religieuses ou morales, sécularisées ou désacralisées ». Mais qui fonctionnent, tous, sur le mode d’une structuration de rapports d’utilité et de complémentaire entre les milieux et leurs habitants.
Ce qui est la preuve, pour le chercheur en chef du Renzoh que les rapports de l’homme à son milieu naturel ne sont pas réductibles à leur seule dimension économique. Car, il y a des interactions entre la société humaine et son environnement qui se manifestent dans les représentations, les technologies et les systèmes de production et « qui trouvent leur expression à travers des codes et patrons culturels spécifiques, dont le sens échappe très au novice ». L’analyse des sites inventoriés dans différentes localités comme dans la ville de Saint-Louis, de Podor, de Matam ou de Bakel, les cours d’eau comme Menguèye, N’galaka, mares de Kanel, de Saré Thioffy ou des zones comme l’Île à Morphil, ayant permis de monter la toute prégnance des éco-cultures sur ces terres d’eau (oxymore qui renvoie aux termes plus experts et plus neutres de zones humides ou de milieux aquatiques) en tant que champs de vision, de réflexion et d’action de conservation et d’utilisation durable des ressources naturelles à travers une symbiose forte avec le milieu et dont le Congrès de Durban consacré la compréhension partagée du vocable conçu comme : «
L’ensemble des modes et moyens de méditation spécifiques d’un groupe humain avec son milieu qui convoquent ses productions symboliques, ses pratiques sociales d’accès, de gestion et d’utilisation durable des ressources de son écosystème, mobilisées dans la production de valeurs structurantes pour assurer la reproduction sociale et qui induisent dans cette médiation la responsabilité intra et intergénérationnelle ». Cette culture de gestion sacralisée des cours d’eau et mares, confiée à certaines familles au profit de toute la collectivité, renforce les liens de cousinage et d’évitement entre l’homme et l’animal, l’homme et la plante, l’homme et le minéral (alliance cathartique et totémisme). Elle constitue, au bout du compte, une preuve, par le vécu, comme le disait l’anthropologue environnementaliste Cheikh Ibrahima Nyang, que le choix de modèles de développement et l’élaboration de programmes économiques, ceux concernant l’aménagement des aires protégées comme les réserves situées dans les zones humides « ne peuvent faire table rase des croyances, des systèmes sociopolitiques, modes d’organisation et intérêt en jeu ; la psychologique sociale, les technologies traditionnelles, le savoir et le savoir-faire locaux sont des paramètres de la planification ».