Pour mieux adresser ses interventions au profit des entreprises et populations, l’Etat du Sénégal a créé plusieurs agences ou structures administratives. Chaque institution ayant un rôle spécifique à jouer dans l’atteinte des objectifs stratégiques fixées par l’Etat.
Seulement, dans leur fonctionnement, certaines agences connaissent beaucoup de difficultés liées au choix des personnes qui doivent assurer la direction, une mauvaise gestion, à des décisions stratégiques non maitrisées, au clientélisme politique, à la concurrence d’autres structures de l’Etat, etc. Le redressement en cours doit rester une priorité pour les nouvelles autorités.
Le contexte actuel marqué par une situation très tendue des finances publiques avec un endettement très élevé exacerbé par des dettes
« cachées », exige de nouvelles orientations par les autorités actuelles. C’est pourquoi, les réformes administratives et financières doivent être accélérées avec une grande rigueur afin d’assainir la situation actuelle et de relancer la croissance économique du pays. Parmi ces réformes, il y a la rationalisation des agences de l’Etat.
Ǫuels enjeux pour la rationalisation ?
Plusieurs arguments peuvent être avancés pour la rationalisation des agences et institutions. Parmi les plus significatifs :
· Optimisation des ressources financières ou des dépenses publiques L’installation de plusieurs agences peut exploser les dépenses de fonctionnement de l’Etat (salaires, carburant, téléphones, frais de fonctionnement de l’organe dirigeant, frais de missions etc.). Malgré le déploiement de ressources financières adéquates, certaines agences ont du mal à être efficaces dans leurs interventions. L’on constate parfois l’exécution de missions à l’extérieur avec des frais importants (billets d’avion, frais d’hôtel, etc.) sans impact significatif pour l’organisation. Nous avons constaté récemment un PCA et un DG d’une institution de la République qui se déplacent en même temps pour participer à une rencontre à l’étranger alors qu’une seule personne suffisait pour représenter l’institution.
Nous saluons récemment la décision du Premier ministre pour rationaliser les missions à l’étranger avec un nombre limité de personnes.
· Ajustement et cohérence des interventions prioritaires
La nécessité de rendre cohérentes les interventions de l’Etat en mettant l’accent sur les priorités du moment est une urgence.
Plusieurs structures d’appui sont créées en faveur des PME/PMI et TPE. On peut citer l’ADEPME (Agence de Développement et d’Encadrement des Petites et Moyennes Entreprises), le BMA (Bureau de Mise à Niveau), l’ASEPEX (Agence Sénégalaise de Promotion des Exportations), l’APIX (Agence nationale pour la promotion des investissements et des grands travaux) etc.
Leurs interventions doivent être plus efficaces et cohérentes à travers de mécanismes simples et adaptés.
· Renforcement de certaines agences et institutions
Certaines agences de l’Etat constituent des leviers stratégiques pour atteindre les objectifs déclinés dans l’Agenda National de Transformation 2050. Je peux citer l’APIX, le FONSIS, la CDC, le FONGIP, la BNDE. Leur renforcement et orientation sur leurs missions principales serait un atout essentiel pour l’accompagnement technique et financier du secteur privé.
· Élimination des redondances dans les missions d’intervention
À l’examen et l’analyse des missions et interventions de certaines agences de l’Etat, l’on constate qu’il y avait une véritable problématique dans les orientations stratégiques en matière d’accompagnement des entreprises et secteur informel. Cela persiste toujours.
Prenons l’exemple de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) qui a créé plusieurs filiales dont CDC Habitat qui a comme mission principale de « construire et commercialiser des logements accessibles et de standing » alors qu’il existe déjà la SICAP et SN HLM qui ont déjà une expérience et une expertise avérées dans ce domaine.
Il y a également l’exemple de Kajom Capital (filiale du FONSIS) qui est un véhicule d’investissement qui a comme mission de « financer l’accès à la propriété par le mécanisme de la location-vente ».
Il est évident qu’à travers ces deux exemples, nous constatons une redondance de missions spécifiques assignées à d’autres agences de l’Etat. Faudrait-il permettre à des agences de l’Etat de s’adonner à une concurrence « injustifiée » ?
Plusieurs fonds ont été créés dans certains ministères alors qu’ils pouvaient être regroupés au sein d’une seule institution afin de mieux optimiser les dépenses de fonctionnement et d’assurer une bonne efficacité opérationnelle.
Le choix du Fonds de Garantie des Investissements Prioritaires (FONGIP) pourrait être une solution idéale d’autant plus qu’il existe plusieurs sous-fonds destinés à l’accompagnement de secteurs d’activités prioritaires en partenariat avec les institutions financières (banques et SFD) pour mobiliser des financements additionnels importants avec un effet de levier de 2 ou 3.
Ǫuels résultats ou impacts ?
Cette rationalisation permettra d’avoir les résultats attendus ci-après :
o Diminution significative des dépenses de fonctionnement ;
o Réorientation des fonds économisés vers des investissements sur des secteurs d’activités prioritaires ;
o Finalisation du Guichet unique avec un seul « identifiant fiscal » pour chaque acteur économique ;
o Transparence et équité dans le traitement des dossiers présentés par les bénéficiaires de services de l’Etat ;
o Accélération des financements par les institutions financières partenaires ;
o Amélioration de la gouvernance des agences avec la mise en place des principes d’éthique, de transparence, de redevabilité, de management stratégique, d’évaluation des impacts etc.,
o Développement des PMECPMI, TPE et secteur informel avec la création d’emplois ;
Ǫuelles perspectives ?
La multiplication des agences qui assurent parfois les mêmes missions ou tâches, dénote un manque d’orientation stratégique des organes délibérants (Conseil d’Administration, Conseil d’orientation, ou Comité de Gestion).
De même, certains textes (lois, décrets, arrêtés etc.) doivent être mis à jour afin de prendre en compte ou de revoir certaines missions essentielles ou stratégiques des agences.
Des structures telles que la CDC et le FONSIS doivent se concentrer sur leurs missions prioritaires et éviter la création de filiales. Il convient d’encourager la prise de participation dans des entreprises privées ou parapubliques sans être majoritaires. Bien entendu, le portage d’actions peut être envisagé dans certaines situations en attendant de trouver des investisseurs privés et internationaux pour la prise de participation.
Ǫuelles recommandations ?
Ǫuelques recommandations peuvent être formulées :
· Mettre à jour la Loi d’orientation N° 2022-08 relative au secteur parapublic afin de l’aligner aux nouvelles orientations stratégiques et opérationnelles de l’Agenda National de Transformation. Le rôle et les
attributions du Comité de suivi du Secteur parapublic doivent être particulièrement revus.
· Recentrer les missions fondamentales et essentielles des agences ou autres structures de l’Etat ;
· Assurer une bonne synergie d’actions pour les agences qui seront maintenues ;
· Regrouper certains fonds créés au sein des ministères en un seul fonds ;
· Diligenter la mise en place du guichet unique pour accélérer une bonne prise en charge des besoins des PME C PMI et réduire le délai de traitement de leurs dossiers. Il s’agit ici d’avoir un écosystème cohérent et efficace ;
· Assurer une très bonne sélection et la formation permanente de l’exécutif, des membres des organes délibérants et veiller à leur évaluation périodique. Il est impératif de privilégier l’éthique, l’expertise et l’expérience dans le choix de l’exécutif des dirigeants. De même, le choix d’Administrateurs indépendants de grande qualité est nécessaire.
· Accélérer la transformation digitale des services de l’Administration afin de mieux satisfaire les clients et usagers ;
· Assurer une forte implication du secteur privé dans l’élaboration et la mise en œuvre de mesures ou politiques qui le concerne ;
· Élaborer un « Référentiel de Gouvernance d’entreprise applicable aux secteurs public et privé » : il est indispensable pour assurer une gouvernance efficace. Il doit aborder tous les aspects liés au fonctionnement des organes du secteur public et privé ;
· Accélérer l’élaboration d’un dispositif adapté à la formalisation et à l’accompagnement du secteur informel.
Dr Sidy DIEYE, spécialisé en gouvernance des organisations