Temple du savoir ! L’Université reste viscéralement attachée à ce marqueur naturel qui place l’enseignement, la recherche et les animations scientifiques au centre de ses activités. Ce triptyque décrit la rythmique d’une vie universitaire ancrée dans les rites ancestraux de l’enseignement et de la recherche, mais résolument tournée vers une promotion accrue des joutes intellectuelles d’envergure.
S’accommodant de différents formats (conférences, colloques, ateliers, …), l’animation scientifique dans l’espace universitaire nourrit invariablement le dessein d’engager une confrontation de vécus entre systèmes de valeurs historiques, sociales, juridiques, à l’effet de jauger les dynamiques propres à chaque communauté, eu égard aux idéaux prédéfinis. S’agissant des sciences juridiques, et assurément dans d’autres sciences sociales, cet exercice de confrontation des normes aux relents empiriques participe à faire grandir les mentalités, déconstruire les certitudes, bousculer les convictions pour certainement retomber dans l’adaptabilité, voire la relativité. Toutes choses qui légitiment l’usage de l’outil du droit comparé dans le développement de la science juridique en général, et le droit public en particulier.
A cette fin, le Laboratoire de Droit public « État » de l’École Doctorale des Sciences Juridique, Politique, Économique et de Gestion (ED/SJPEG) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar organiser les 9 et 10 avril 2025 au CIGASS, un colloque international sur le thème du « Le contentieux des affaires locales en Afrique ».
Pourquoi un colloque sur le contentieux des affaires locales ?
Jusque-là, le contentieux des affaires locales n’avait pas réussi à cristalliser une réflexion poussée dans la doctrine africaine. Ce qui en fait une thématique originale suscitant un intérêt pour les praticiens et les pouvoirs publics.
De manière générique, l’échelon local peut être trivialement rapproché au périmètre de la collectivité territoriale. Il se laisse décrire comme un espace favorable à l’apprentissage de la démocratie et de la gestion des affaires publiques. Réceptacle de nombre de politiques publiques, le cadre local en Afrique se donne pour vocation de prolonger l’action de la puissance publique en participant remarquablement à la distillation des valeurs promues par les lois de la République.
A la vérité, l’évocation du « local » n’est pas une clause de style. Le « droit local » a une existence concrète et le constituant africain lui donne toute sa place. A titre d’exemples, les constituants des États d’Afrique subsaharienne francophone consacrent l’existence du pouvoir local : au Sénégal (articles 102 de la Constitution du 22 janvier 2001), en République du Congo (articles 208 à 211 de la Constitution du 25 octobre 2015), au Bénin (articles 150 à 153 de la Constitution du 11 décembre 1990), au Gabon (articles 155 à 161 de la Constitution adoptée lors du référendum du 16 novembre 2024), à Madagascar (articles 139 à 160 de la Constitution du 11 décembre 2010), au Mali (articles 174 à 178 de la Constitution du 22 juillet 2023), au Niger (articles 164 à 167 de la Constitution du 25 novembre 2010), au Tchad (articles 254 à 272 de la Constitution du 17 décembre 2023) et au Togo (article 85 à 88 de la Constitution du 6 mai 2024).
La décentralisation territoriale transforme la configuration de l’État en érigeant les entités territoriales en centres de décisions. Les organes infra-étatiques qui en sont issues, sont dotés d’un périmètre de compétences sous le contrôle de l’État. En effet, la décentralisation horizontale repose sur le transfert d’attributions de l’État à des institutions administratives autonomes. Ce point de vue défendu par la Haute Cour constitutionnelle de Madagascar dans la formulation suivante : « les deux grands principes de la décentralisation sont le principe d’autonomie et le principe de libre administration ; que la libre administration des collectivités territoriales est un principe général à valeur constitutionnelle ; qu’elle permet de garantir un espace de liberté dans lequel les collectivités territoriales peuvent agir » (décision n°033-HCC/D3 du 26 décembre 2015 relative à la loi n° 2015-024 portant octroi de Fonds Local de Développement au profit des Collectivités Territoriales Décentralisées de base).
Sans être fatalement soluble dans les lois de l’Etat, la collectivité territoriale revendique donc un corpus normatif singulier dont la mise en œuvre provoque des contrariétés susceptibles d’être portées devant les autorités judiciaires. Il appert que la notion d’« affaires locales » retrouve une consistance substantielle à travers la clause générale de compétences ou de politique de compétences transférées, expliquant les occurrences de s’en ouvrir au juge. Vu la nature protéiforme des contentieux judiciaires auxquels aucun des États africains n’échappent, l’idée d’en susciter une réflexion holistique à l’échelle universitaire ne pouvait être que salutaire.
Quelles sont les attentes du colloque ?
Le colloque en vue, de dimension internationale réunira de grandes personnalités du monde universitaire, des élus locaux, des spécialistes du droit public, La diversité des thèmes et le profil des participants en provenance d’horizons divers préjugent de la richesse des échanges durant ces deux jours de travaux. Quatre (04) axes de réflexion ont été déclinés :
– le juge constitutionnel et les affaires locales (1) ;
– le contentieux des élections territoriales (2) ;
– le juge administratif et la gestion des affaires locales (3)
– et le contentieux des finances locales (4).
L’objectif de cette rencontre vise à déterminer la contribution de la jurisprudence dans la construction et la consolidation du droit des collectivités territoriales en Afrique. Plus spécifiquement, il sera question lors des différents panels de :
– quantifier et qualifier le niveau du contentieux des affaires locales sur le continent africain ;
– mettre en exergue le contenu des jurisprudences constitutionnelle, administrative, financière, foncière, … se rapportant à la libre administration des collectivités territoriales et par extension, à toutes les questions relevant du périmètre de compétences de ces entités infra-étatiques ;
– analyser au prisme de la production jurisprudentielle, les techniques de contrôle déployées par le juge et les faiblesses de son activité, entre autres facettes du contentieux.
À ce propos, la jurisprudence apparait bien étoffée. Le contentieux qui sera exposé, expliqué, analysé et discuté porte sur des matières variables : pouvoir de police (Cour suprême du Sénégal, arrêt n° 01, 10 janvier 2013, Zahira SALEH c/Maire de la Ville de Dakar ), contrats (Cour suprême du Mali, n° 184 du 6 avril 2017), fonction publique locale (Cour suprême du Bénin, n° 2016-150/CA3, arrêt du 28 janvier 2022, Maire de Lokossa contre Préfet du Mono-Couffo ), foncier (Cour suprême du Mali, arrêt n° 157 du 13 juillet 2015), élection (Haute Cour constitutionnelle de Madagascar, arrêt n°115-HCC/AR du 26 septembre2001, Rétablissement d’un maire dans ses fonctions. Voir aussi Cour suprême du Bénin, arrêt n° 011/CA/ECML du 14 mars 2019, DAHOUETO Innocent et consorts C/ Préfet du Département du Couffo), fonctionnement des organes locaux (Cour constitutionnelle de la République de Congo, décision n° 003/DCC/SVA/20 du 14 juillet 2020 sur le recours en inconstitutionnalité de l’arrêté n° 4831/MID/CAB du 28 février 2020 portant suspension du président du Conseil départemental et municipal, maire de la ville de Brazzaville et du décret n° 2020-119 du 29 avril 2020 portant révocation du président du Conseil départemental et municipal, maire de la ville de Brazzaville), finances locales (Cour suprême de Côte d’Ivoire, arrêt n° 61 du 18 mars 2015, Pharmacie Sainte Marie des béatitudes contre maire de Cocody. Voir aussi Cour suprême du Sénégal, arrêt n° 09, 9 février 2017, la SONATEL contre commune de Mboumba.), répartitions des fonds alloués par l’État (Cour Suprême du Sénégal, arrêt n° 38, 26 mai 2017, la Commune de Mermoz Sacré-Cœur Contre Etat du Sénégal), emprunt local (arrêt n° 36, 26 Mai 2016, Ville de Dakar Contre Etat du Sénégal), application du pouvoir de substitution du Représentant de l’État (arrêt n° 38, 10 novembre 2011, Babacar Sarr contre Etat du Sénégal.), violation du périmètre des compétences locales (arrêt n°12, 11 avril 2019, Kéthieh DIALLO et autres contre Etat du Sénégal), etc.
L’Université se doit d’être utile à la Cité. La traçabilité de cette haute rencontre scientifique sera soutenue par la publication ultérieure de ses Actes.
Pour sa part, le Laboratoire « Etat » s’attachera à jeter son dévolu sur des études thématiques plaçant l’Etat et ses démembrements au centre des réflexions utiles.
Le Comité scientifique du Colloque
Contact : c.contentieuxdesaffaireslocales@gmail.com