Les éducateurs spécialisés suivent une formation comparable à celle des magistrats, greffiers ou inspecteurs, après un concours national rigoureux. Toutefois, contrairement à d’autres métiers du judiciaire, leur parcours s’étale sur trois longues années : deux années théoriques et une année de terrain.
Un programme intensif, allant du droit, à la sociologie, la psychologie, et la psychopathologie de l’enfant. L’objectif est clair : offrir une assistance éducative, judiciaire et psychologique aux mineurs.
Pourtant, ce métier reste invisible. En cas de détresse infantile, la population ignore souvent à qui s’adresser, même si les spécialistes sont là, prêts à intervenir.
L’intérêt supérieur de l’enfant : une mission du ministère de la Justice
Sous l’égide du ministère de la Justice, la Direction Générale de la Protection Judiciaire et Sociale a mis en place des structures dans les 45 départements du Sénégal : AEMO (Action Éducative en Milieu Ouvert), centres d’accueil spécialisés, établissements de réadaptation, etc.
Ces lieux sont des pivots essentiels où des éducateurs spécialisés accompagnent les mineurs de 0 à 18 ans, qu’ils soient en danger, en conflit avec la loi, ou simplement en grande vulnérabilité. L’objectif est toujours le même : réinsertion, réintégration, reconstruction.
Cependant, pour que ces structures soient efficaces, il est impératif qu’elles soient alertées. C’est là que nous, citoyens, devons jouer notre rôle.
Mineur en conflit avec la loi – Comprendre, éduquer, juger autrement
Quand un enfant se retrouve face à la justice, il ne faut pas seulement se demander quelle sanction, mais plutôt comment le reconstruire. Le tribunal pour enfants est une juridiction spéciale conçue pour répondre aux réalités complexes de l’enfance en danger. Elle refuse de juger un enfant comme un adulte, elle choisit d’écouter, d’accompagner, de guider.
Le juge des enfants ne se contente pas de trancher. Il prend le temps d’écouter, de reformuler, d’explorer la parole souvent confuse ou chargée d’émotion de l’enfant. Cette reformulation peut être de trois types :
De vérification pour s’assurer d’avoir bien compris,
Exploratoire pour inviter l’enfant à poursuivre son récit,
Sur le vécu pour mettre en lumière ses émotions et créer un lien empathique.
Le juge travaille en étroite collaboration avec les éducateurs spécialisés qui dressent des rapports essentiels sur la personnalité, le comportement et le parcours du mineur.
Ces professionnels formés au Centre de Formation Judiciaire sont indispensables à la procédure ; aucune audience ne peut avoir lieu sans leur présence. Ce sont eux qui apportent au juge les éléments concrets permettant de prendre une décision juste et adaptée.
Deux catégories d’enfants, deux approches différenciées
Les mineurs de moins de 13 ans :
Ne peuvent pas être condamnés pénalement,
Le tribunal peut décider d’un placement dans une structure éducative, médicale ou un internat spécialisé,
L’objectif est avant tout la protection et la reconstruction.
Les mineurs de 13 ans et plus peuvent faire l’objet de sanctions éducatives (interdiction de fréquenter certains lieux, confiscation d’un objet, etc.),
À titre exceptionnel, une sanction pénale peut être prononcée, comme un emprisonnement ou un placement en centre fermé,
L’excuse de minorité est systématiquement appliquée, réduisant la peine encourue de moitié.
Ces mesures sont considérées comme un ultime recours lorsque toutes les approches éducatives ont échoué.
Des décisions ajustables et évolutives
Les mesures prises à l’encontre du mineur peuvent durer jusqu’à ses 21 ans, mais elles ne sont jamais figées.
Le tribunal peut les réviser à tout moment, sur demande du ministère public, du service social, du mineur lui-même ou de son représentant légal. Cette souplesse permet d’ajuster l’accompagnement en fonction de l’évolution du jeune, de son environnement familial et de sa volonté de changement.
La liberté surveillée peut également être prononcée provisoirement ; elle vise à instaurer un cadre de suivi éducatif au-delà du simple contrôle.
Et vous ? Que faites-vous quand un enfant est en danger ?
Si vous êtes témoin de violence, de négligence ou d’injustice, ne restez pas les bras croisés. Dirigez-vous vers l’AEMO de votre département. Votre identité restera confidentielle, mais votre geste peut changer une vie.
La culture du signalement doit devenir un réflexe citoyen. Aujourd’hui encore, trop de drames surviennent parce que l’on a préféré se taire.
Oui, les réseaux sociaux ont libéré la parole, mais le clic ne suffit pas. La protection de l’enfance nécessite du courage, de la rigueur et des actions concrètes.
Faire connaître pour mieux protéger
Nous sommes là, formés, engagés, et déterminés. Mais pour que notre mission soit pleinement efficace, il est crucial que la population nous identifie comme des acteurs clés de la protection de l’enfance.
Faites passer le mot. Signalez. Soutenez. Partagez.
Car face à la souffrance d’un enfant, ne rien faire, c’est déjà trop.
Linguère Khadidiatou NDIAYE
Élève éducatrice spécialisée