Le Sénégal dans l’Ère du New Deal Technologique
Si nous voulons réussir cette nouvelle ébauche, il est essentiel de savoir esquisser le pas de l’audace numérique. L’audace numérique, c’est contribuer à faire de ce levier un véritable outil de financement pour notre économie. Il s’agit de passer du modèle de « consommateur inactif » à celui de « consommateur/État bénéficiaire ».
Les grandes puissances mondiales sont déjà dans une dynamique visant à se faire une santé financière grâce aux multiples possibilités offertes par l’économie numérique. Cette transformation est indispensable pour réussir à s’imposer dans le monde numérique.
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Acculturation Digitale/Numérique : Une Clé pour l’Avenir
L’acculturation numérique, c’est aussi se donner les moyens d’exploiter les possibilités offertes par les différents outils dont disposent les géants du numérique, tels que les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), mais aussi les technologies publicitaires avancées.
En France, par exemple, le digital advertising permet à plusieurs agences médias de prospérer. Le secteur compte aujourd’hui environ 18 000 agences et plus de 250 000 salariés. Cette croissance a été rendue possible par une forte acculturation digitale et la mise en place de diverses possibilités de campagnes médias, notamment grâce aux outils des GAFA.
Les Différents Formats et Outils Publicitaires
Grâce à l’innovation et à l’acculturation numérique, des campagnes publicitaires diversifiées ont vu le jour, telles que :
RTB (Real-Time Bidding)
Campagnes programmatiques (DV360, Xandr, Appnexus, etc.)
Campagnes gré à gré
TV segmentée
Drive-to-store et click-and-collect
Mesure de la publicité avec des outils comme IAS (Integral Ads), Double Verify
MMP (Mobile Measurement Partners) comme Appflyer, Adjust, etc.
Tous ces acteurs ont permis à l’économie numérique en France de participer grandement au développement du secteur et d’avoir une contribution non négligeable dans les caisses de l’État.
La Taxe sur les Services Numériques (Taxe GAFA) en France
La taxe GAFA, instaurée en France en 2019, taxe à hauteur de 3 % le chiffre d’affaires réalisé par les géants du numérique dans le pays. Cette taxe s’applique aux entreprises dont le chiffre d’affaires mondial dépasse 750 millions d’euros, avec au moins 25 millions d’euros générés en France.
Évolution des Recettes de la Taxe GAFA :
2019 : 277 millions d’euros
2020 : 375 millions d’euros
2021 : 474 millions d’euros
2022 : 591 millions d’euros
2023 : 670 millions d’euros (estimation)
Ces montants montrent une augmentation régulière des recettes, attribuée à la croissance des activités numériques et à l’élargissement de l’assiette fiscale, incluant des entreprises comme Le Bon Coin.
Projection pour le Sénégal : Une Nouvelle Approche pour le New Deal Technologique
Bien que le Sénégal n’ait pas encore la même maturité digitale que la France, l’approche française pourrait être transposée pour financer notre New Deal Technologique par les futures taxes et impôts sur les GAFA et d’autres entreprises profitant des retombées du numérique.
Contrairement à la France, qui a mis en place une taxe spécifique sur les services numériques, le Sénégal n’a pas encore de taxe dédiée aux GAFA. Cependant, des discussions sur la fiscalité numérique se sont intensifiées dans la région, notamment avec l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA).
Comparaison des PIB : France vs Sénégal
Le PIB de la France est d’environ 2800 milliards d’euros, et les recettes annuelles de la taxe GAFA s’élèvent à environ 700 millions d’euros.
Le PIB du Sénégal est d’environ 30 milliards d’euros (soit 20 000 milliards de FCFA), soit 1,07 % du PIB de la France.
Transposition de la Taxe GAFA pour le Sénégal
Si le Sénégal adoptait une taxe similaire à celle de la France, on pourrait estimer que les recettes fiscales provenant des GAFA pourraient atteindre 5 milliards de FCFA par an, sans même prendre en compte le potentiel inexploité :
Une jeunesse connectée,
Des infrastructures à connecter,
Une population majoritairement jeune.
Bien que le poids du numérique soit actuellement plus faible au Sénégal qu’en France (moins de services payants, moins de publicité ciblée, moins de collecte de données), ce déficit peut être perçu comme un atout. Une structuration solide de l’environnement numérique, une formation de qualité pour les jeunes/étudiants dans les métiers numériques, et un recrutement massif dans ce secteur pourraient permettre de combler ce retard.
Un New Deal Technologique Ambitieux
Le New Deal Technologique ne doit pas se limiter à l’accompagnement de l’État pour résoudre des problèmes administratifs comme l’état civil. Il doit aller au-delà et transformer la manière dont nous percevons le numérique. En plus de traiter des questions primaires, le numérique doit servir de moyen de financement pour soutenir la politique économique du Sénégal.
Conclusion
L’avenir numérique du Sénégal est prometteur, mais il dépendra de notre capacité à tirer parti des opportunités offertes par l’économie numérique et à structurer de manière intelligente et ambitieuse notre approche. La transposition de la taxe GAFA pourrait jouer un rôle clé dans le financement du New Deal Technologique, tout en offrant une opportunité pour l’émergence d’un secteur numérique solide et compétitif.
Le moment est venu de faire de l’audace numérique une véritable locomotive pour notre économie, et ainsi garantir un avenir prospère pour le Sénégal dans l’ère du numérique.
Saliou Nguirane
Consultant au cabinet Avisia et en mission chez Louis Vuitton
Professeur à l’Université Paris 12 en management de l’innovation et problématiques de data management.
Source : DV360, Xandr, Google marketin Plateform, Meta, Lexpress, 20 minutes, Lefigaro