L’idée d’une gestion collective et citoyenne de la propreté urbaine ne date pas d’hier. Dès la fin des années 80, ce sont les jeunes, à travers les Associations sportives et culturelles (ASC), qui ont sonné l’alerte en initiant des campagnes de sensibilisation et de nettoiement. A leurs côtés, les services techniques tels que le Service national de l’Hygiène et la défunte SIAS, ancêtre de la SONAGED, tentaient d’enrayer une habitude profondément ancrée : celle de jeter ses déchets n’importe où.
Malgré ces efforts, le comportement des populations a très peu évolué, révélant l’insuffisance des actions ponctuelles face à un problème structurel et culturel.
*Une gestion inefficace, des comportements inchangés*
Depuis l’époque coloniale, la gestion des déchets au Sénégal peine à être efficace et pérenne. Une analyse académique menée par Michel SECK en 1997 soulignait déjà l’échec des dispositifs techniques et réglementaires à transformer durablement les comportements. La persistance des dépôts sauvages, l’indiscipline des usagers, le déficit d’équipements ainsi que l’absence de traitement spécifique des déchets (gravats, déchets verts, objets encombrants) rendaient toute tentative de gestion inefficace.
La période de privatisation partielle de la collecte avant les années 2000 (Agence d’exécution des Travaux d’intérêt public, Consortium sénégalo-canadien, sociétés privées, Coordination des associations et mouvements de la Communauté urbaine de Dakar) avait certes permis quelques avancées, comme l’acceptation sociale du métier d’éboueur, mais le manque de coordination, d’infrastructures adaptées et d’encadrement règlementaire maintenait la situation dans une impasse.
*Vers une approche territoriale, collective et responsable*
L’évolution vers un modèle plus structuré a réellement commencé avec la création de la SONAGED, qui a su mettre en œuvre des solutions innovantes :
• Le service « Allô Gravats », permettant aux habitants d’évacuer les gravats dans un cadre légal et organisé ;
• L’installation de Points propres (PP) et Points de regroupement normalisés (PRN) ;
• La lutte contre l’ensablement des routes en partenariat avec AGEROUTE ;
• La mise en place d’une prise en charge médicale pour les techniciens de surface.
Cependant, pour garantir une efficacité durable, ces efforts doivent être couplés à un travail d’ancrage social et territorial. Le quartier doit devenir le point d’entrée d’une nouvelle gouvernance de la propreté. La démarche proposée repose sur :
1. L’organisation des quartiers en pilotes :
Chaque quartier, sous la coordination du sous-préfet et des autorités locales, s’appuierait sur un Comité de salubrité représentatif, formé et encadré par la SONAGED et la brigade d’hygiène.
2. L’approche VIE (Valeurs – Information – Exemplarité) :
o Promouvoir les valeurs d’hygiène et de propreté ;
o Informer sur les impacts sanitaires et environnementaux des comportements ;
o Valoriser les bons comportements à travers des campagnes de communication positive.
3. Une double stratégie de responsabilisation : valorisation et sanction :
Si l’exemplarité doit être mise en avant, l’application rigoureuse des sanctions reste indispensable pour asseoir durablement les bonnes pratiques. Des outils numériques simples – comme la création d’une plateforme de signalement accessible aux jeunes des quartiers – pourraient soutenir le travail de la brigade d’hygiène, qui souffre d’un sous-effectif chronique.
Ce dispositif pourrait même ouvrir des perspectives d’emplois, en rémunérant la vigilance civique sous forme de primes en cas de constatations avérées.
Retour d’expérience locale : l’exemple de Golf Sud
A l’échelle micro-locale, des initiatives citoyennes comme celle menée par le groupe « Golf Salubrité » ont montré que l’engagement communautaire peut impulser un véritable changement, malgré les limites du bénévolat. Grâce à la mobilisation d’un noyau dur de volontaires et à l’engagement du Conseil de quartier, des solutions concrètes ont vu le jour : acquisition de motos tricycles, création d’emplois locaux et même des interventions ponctuelles sur la voirie.
Mais ce type d’engagement ne peut suffire sans une régulation solide et l’intervention des pouvoirs publics pour encadrer, appuyer et sanctionner.
Vers une politique intégrée et durable
L’expérience montre que les campagnes de sensibilisation – qu’il s’agisse de « Zéro Déchet » ou de « Setal Sunu Reew » -, aussi bien intentionnées soient-elles, échouent dès lors qu’elles ne sont pas accompagnées de mesures de contrainte et de responsabilisation individuelle et collective.
L’enjeu est clair :
Prévention, sensibilisation, participation communautaire et sanction doivent avancer ensemble.
Il serait pertinent d’inspirer la future stratégie nationale d’un modèle hybride combinant :
• des actions communautaires pilotées par les conseils de quartier ;
• une brigade de contrôle renforcée et numérisée ;
• un maillage partenarial mobilisant SONAGED, municipalités, services d’hygiène, ASP et associations.
Le tout sous-tendu par une logique simple : la propreté n’est pas une action isolée, mais une culture partagée et un devoir citoyen.
Abdourahmane SY
Cité du Golf de Cambérène – Guédiawaye
Coordonnateur de l’initiative bénévole « Golf Salubrité »
Promoteur de Quartier intelligent (QI)