Monsieur le Premier Ministre Ousmane SONKO, vous voilà accueilli en Turquie avec des fleurs et les honneurs. Ce même ministre du Commerce turc, Prof. Dr. Ömer Bolat, qui vous a offert ce bouquet à la descente d’avion, je le connais pour l’avoir côtoyé chaque année au World Halal Summit d’Istanbul. J’ai même des photos à ses côtés. Pour ma part, j’ai également reçu des fleurs lors d’une visite à Ankara, où j’avais été convié par une grande entreprise pour discuter de partenariats solides dans le secteur industriel, des discussions toujours en cours pour leur implantation en Afrique de l’Ouest. C’est donc en toute fraternité que je vous lance un challenge amical : derrière les sourires, les poignées de main et les tapis rouges, profitez de cette visite pour bâtir du concret. Transformez cet accueil fleuri en un partenariat stratégique solide, équitable et porteur de résultats pour notre cher Sénégal. Nous partageons une vision : la Vision Sénégal 2050 d’un pays émergent et prospère. À vous de jouer, Monsieur le Premier Ministre, pour que ce voyage officialise des accords gagnant-gagnant et ouvre grand les portes de l’industrialisation et du progrès, à l’image de ce que la Turquie a su accomplir en deux décennies.
Je visite la Turquie depuis 2015, d’Istanbul à Ankara, de Konya à Bursa. J’ai vu un pays se transformer sous l’impulsion d’un leader visionnaire, le Président Recep Tayyip Erdoğan, qui a littéralement construit son pays. En 20 ans de stabilité politique, la Turquie est devenue la 20ᵉ économie mondiale avec près de 941 milliards de dollars de PIB. Ankara a misé sur une industrialisation massive et décentralisée : chaque grande ville turque brille par un secteur clé – Bursa l’automobile, Izmir la pétrochimie, Konya l’agro-industrie, Gaziantep le textile, Kayseri le meuble… Cette stratégie d’industrialisation équilibrée s’est faite sous la houlette de l’État central, avec une vision à long terme. Le Président Erdoğan a pris des mesures historiques pour l’avenir de la nation, investissant dans la sécurité, la technologie, l’économie et même une puissante industrie de défense locale. Résultat : la Turquie dispose aujourd’hui d’un tissu industriel diversifié et robuste, qui couvre l’automobile, le textile, l’agroalimentaire, la chimie, l’électronique, et qui lui assure une autonomie stratégique (drones Bayraktar, construction navale, etc.) tout en exportant son savoir-faire.
Cette visite en Turquie me réjouit d’autant plus que notre pays a tant à apprendre de ce modèle. Prenez par exemple le secteur minier : la Turquie exploite ses ressources de façon progressive et durable, sans brader son sous-sol. Elle détient 73 % des réserves mondiales de bore (borate) et, au lieu de tout exporter à l’état brut, elle développe localement des usines de transformation de ce minerai en produits à haute valeur ajoutée (carbure de bore, utilisable dans l’aéronautique et le blindage). Cette approche de phasage raisonné des mines préserve l’intérêt des générations futures tout en créant de l’industrie et de l’emploi sur place – une leçon dont le Sénégal pourrait s’inspirer pour ses propres richesses minières.
Autre point fort : les infrastructures. La Turquie a bâti un réseau de transport intégré exemplaire. Des autoroutes ultramodernes et des lignes de train à grande vitesse relient ses régions de façon fluide. Le pont Osmangazi et le tunnel Marmaray rapprochent l’Anatolie de l’Europe. Le transport maritime n’est pas en reste : des ferries et lignes maritimes régulières relient les rives du Bosphore et les côtes égéennes, désenclavant des villes entières via la mer. On peut ainsi traverser le pays ou rejoindre une province côtière en combinant routes, rails et bateaux, preuve d’une vision multimodale du développement. Le modèle turc de connectivité – liaisons maritimes interrégions, réseau intérieur dense – est une source d’inspiration pour améliorer la mobilité et l’intégration territoriale au Sénégal (pensons à nos liaisons maritimes Dakar-Ziguinchor, qui pourraient emprunter l’expérience turque).
Sur le plan du tourisme, la Turquie est aujourd’hui une puissance mondiale. En 2024, elle est devenue la 4ᵉ destination touristique au monde avec 56,7 millions de visiteurs étrangers, dépassant des pays comme l’Italie. Istanbul la magnifique, Antalya la balnéaire, la Cappadoce féerique, les sites historiques d’Éphèse ou de Konya… ce pays a su valoriser son patrimoine culturel et naturel comme nul autre. Le tourisme représente plus de 10 % du PIB turc. Surtout, ce succès s’est construit sans renier son identité : la Turquie est un pays à 99 % musulman, mais qui accueille à bras ouverts les touristes du monde entier. L’État a investi pour rendre chaque visiteur confortable, qu’il soit du Golfe, d’Europe ou d’Afrique : aéroports modernes, sécurité renforcée et un véritable sens de l’hospitalité. Le ministre turc du Tourisme le dit lui-même : son pays est devenu « un modèle à suivre dans le domaine du tourisme ». Pour le Sénégal, qui partage avec la Turquie un climat accueillant, une richesse culturelle et une majorité musulmane, il y a là un benchmarking à faire pour booster notre industrie touristique tout en respectant nos valeurs.
Enfin – et c’est mon domaine de prédilection – parlons Halal Business. En Turquie, tout ou presque est halal au quotidien : de la boucherie du coin jusqu’aux restaurants des grands hôtels, l’alimentation respecte les normes islamiques, sans effort particulier tant cela fait partie de la culture locale. Mieux, le pays a structuré un véritable marché halal et se positionne comme hub entre l’Europe et l’Asie pour ces produits certifiés. Chaque année, lors du World Halal Summit d’Istanbul, je représente fièrement l’Afrique pour tisser des liens dans ce secteur en pleine croissance. Cet événement est placé sous le Haut Patronage de la Présidence turque, preuve de l’importance stratégique du halal pour Ankara. En 2023, c’est le ministre Ömer Bolat en personne qui a inauguré le Sommet, soulignant que la part du commerce halal ne cesse de croître dans l’économie turque. La Turquie halal ne se limite pas à la nourriture : c’est aussi la finance participative, les cosmétiques, le textile modeste, et un label global « Muslim-friendly ». Dans les hôtels turcs, on trouve des espaces de prière, des piscines séparées pour les familles conservatrices, aucune goutte d’alcool dans les établissements certifiés halal… et pourtant, cela n’empêche pas d’attirer des millions de visiteurs occidentaux. Modernité et tradition s’y marient harmonieusement. C’est exactement le genre d’équilibre que le Sénégal peut chercher à atteindre : devenir un pôle régional du halal business, en s’inspirant des succès turcs en certification, en organisation de foires (telle que le Halal Expo) et en encouragement des investissements dans ce domaine.
En somme, mon point de vue sur la Turquie – fort de dix années d’expérience sur le terrain – est celui d’un pays frère dont le parcours est riche d’enseignements pour nous. De l’industrialisation planifiée par son Président à la gestion avisée des ressources naturelles, du développement des infrastructures à la promotion d’un tourisme culturel et religieux respectueux, la Turquie offre un modèle complet. Monsieur le Premier Ministre, vous qui êtes en ce moment à Ankara, j’espère que vous saurez vous imprégner de cette réussite. Plus qu’une visite protocolaire, faites de ce séjour un laboratoire d’idées pour le Sénégal de demain. Je reste pour ma part engagé, à travers le business halal et mes relations de confiance avec nos partenaires turcs, à contribuer humblement à ce rapprochement. Ensemble, inspirons-nous du meilleur de la Turquie pour écrire une nouvelle page de l’émergence sénégalaise, une page industrielle, halal, touristique et prospère, incha’Allah.
Puisse Allah accorder à nos deux peuples Sa miséricorde infinie, fortifier leurs liens de fraternité et inspirer leurs leaders à œuvrer pour le bien commun et les générations futures.
Qu’Allah bénisse le Sénégal et la Turquie, deux nations unies par la foi, la résilience et la quête de justice. Qu’Il guide leurs dirigeants sur le chemin de la sagesse et de la prospérité partagée.
Qu’Allah fasse descendre Sa baraka sur la République de Türkiye et la République du Sénégal, qu’Il bénisse leurs dirigeants et qu’Il en fasse des instruments de justice, de développement et de paix.
Ô Allah, Toi qui élèves les peuples par la sincérité et la droiture, accorde à nos deux pays un avenir radieux, enraciné dans les valeurs de l’Islam et tourné vers la fraternité des nations.
Par Deneba DIOUF
Expert Auditeur en Management qualité Halal