Dans un souci de paix, d’ordre et de sécurité pour promouvoir la stabilité, l’épanouissement et le développement, la violence dans les relations humaines tout comme la guerre dans les relations internationales sont interdites. Ce bannissement n’est pas fait ex nihilo. Elle vise à protéger la vie humaine et à permettre la vie en société pour ne pas sombrer dans la barbarie ou la loi de la jungle.
C’est dans cette dynamique que s’inscrivent les instruments juridiques internationaux de protection des droits humains auxquels le Sénégal a souscrit ainsi que les instruments juridiques nationaux comme la constitution, les lois et règlements en ce sens. C’est la raison de la création de l’ONU à SAN FRANCISCO le 26 Juin 1945 aux ETATS UNIS et la raison d’être d’un Etat.
Ainsi, l’Etat est garant de l’ordre public et de la sécurité publique pour assurer la félicité publique ou « Maat » dans l’Egypte antique repris dans les Etats modernes. Cette mission fait partie des pouvoirs régaliens de l’Etat. Celui-ci est une puissance publique détentrice de la force ou de la violence légale et légitime qu’il faut bien encadrer pour la concilier avec les droits et libertés fondamentaux des citoyens.
La constitution qui est la charte fondamentale, par ailleurs la base juridique de l’Etat affirme son adhésion à la DECLARATION DES DROITS DE L’HOMME ET DU CITOYEN de 1789, à la DECLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L’HOMME du 10 Décembre 1948, à la CONVENTION CONTRE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DEGRADANTS du 10 Décembre 1984. Elle proclame aussi « le respect des libertés fondamentales et des droits des citoyens comme base de la société Sénégalaise, le respect et la consolidation d’un Etat de droit » et j’en passe…
Dès lors, l’on comprend mal les violences et les bavures policières en cas de mission de maintien de l’ordre public qui se transforme très souvent en désordre public. De telles violences se produisent fréquemment même dans les pays réputés être de grandes démocraties. Des cas existent à foison. Cependant, on peut en citer à titre illustratif les violentes manifestations des gilets jaunes et la mort de Nahel MERZOUK, un adolescent de 17 tué par le tir à bout portant d’un policier lors d’un contrôle routier en France ; ce qui nous rappelle douloureusement le cas de Cheikh WADE du nom de ce jeune manifestant qui aurait été froidement abattu par un agent de la police aux parcelles assainies témoignant des brutalités policières et l’usage disproportionné de la force publique qui doit cesser ; l’attaque du « CAPITAL », un symbole de la démocratie américaine par des manifestants qui sont des partisans du Président Donald TRUMP blessant même des policiers, la mort atroce de Georges FLOYD après son interpellation par la police aux ETATS UNIS et qui a indigné le monde entier.
Plus proche de nous on peut noter la mort du jeune influenceur et enseignant Albert OJWANG en garde à vue dans un commissariat au Kenya suscitant une vague de colères des populations durement réprimées par la police. C’est le même scenario au Togo où les manifestations sont réprimées dans le sang suivies des morts après les réformes constitutionnelles portant changement de la nature du régime présidentiel en régime parlementaire ou de « monarchisation du Togo » permettant Président Faure GNASSINGBE d’être à la tête de l’Etat « ad vitam aeternam ».
Le Sénégal n’étant pas du reste, l’inquiétude est grandissante face à la recrudescence des violences et des bavures policières alors qu’on pensait définitivement tourner la page d’un passé récent et douloureux marqué par des affrontements violents entre les forces de l’ordre et les citoyens lors de manifestations. « Tout ce qui est excessif est insignifiant » disait TELLEYRAND. Le comportement excessif ou l’usage excessif de la violence par les forces de sécurité contre des citoyens dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre est incompréhensible. C’est d’autant plus choquant lorsqu’elles tournent au drame causant des morts et des blessés avec des dommages collatéraux énormes. Pourtant, la constitution consacre en son ARTICLE 7 que « la personne humaine est sacrée. L’Etat a l’obligation de la respecter et de la protéger ». Les ARTICLES 3 et 5 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme disposent respectivement que « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne… Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».
C’est avec regret que nous avons constaté une opération de police à Rosso Sénégal dans le département de Dagana avec une violence inouïe que nous dénonçons jusqu’à la dernière énergie et qui malheureusement a occasionné la mort tragique du jeune TALLA KEÏTA suivie de manifestations de protestations des populations durement réprimées. Loin d’être un fait isolé, c’est le même spectacle désolant qui s’est produit à Cambèréne après la mort de deux jeunes que les habitants reprochent à la police. Et tout récemment la mort Mor SECK au commissariat de Yeumbeul ou de Mouhamed Taya Diop à Pikine où six policiers ont été reconnus coupables et condamnés par la justice. La liste des bavures policières est loin d’être exhaustive. On peut même remonter le temps pour trouver d’autres exemples. C’est véritablement un problème qui transcende les régimes et auquel il faut trouver des solutions définitives.
Rappelons à ce niveau que la torture tout comme l’exercice de la violence au niveau des commissariats ou d’autres lieux d’enquêtes pour soutirer des informations sont interdites. C’est pourquoi la présence de l’avocat est une exigence procédurale dès l’interpellation. C’est le règlement 5 de l’UEMOA qui le prévoit et l’ARTICLE 63 DU CODE DE PROCEDURE PENALE.
C’est dans cette perspective que justice est unanimement réclamée pour Talla KEÏTA et les autres pour situer les responsabilités. Il est temps que ces tragédies cessent au Sénégal. Le Président de la république Bassirou Diomaye FAYE s’y est engagé avec la ferme volonté d’y mettre fin après s’être ému et avoir dénoncé cet état de fait. Des instructions ont été données en ce sens au Premier Ministre Ousmane SONKO lors du conseil des ministres du Jeudi 03 Juillet 2025 pour matérialiser cette volonté. Il s’agit entre autres :
de la sanction de toute violation des droits humains,
de l’ouverture d’enquêtes,
de l’audit de la formation des forces de l’ordre devant être rendu avant le 30 novembre 2025,
de la recherche d’une conciliation entre efficacité opérationnelle et respect des droits humains,
de prendre des mesures conservatoires,
de constituer des délégations pour présenter les condoléances du gouvernement à Rosso Sénégal et à Cambéréne pour rassurer et apaiser les tensions.
L’impunité ne doit plus avoir droit de cité au Sénégal. Tout le monde doit s’aligner à la nouvelle doctrine du JOB-JUBAL-JUBANTI et du respect de l’ÉTAT de droit.
Les policiers ne doivent pas se comporter comme des colons devant des indigènes. On n’est plus à l’ère de la colonisation. Cette conception coloniale du maintien de l’ordre et de la sécurité publique est à l’origine des dérives avec sa kyrielle de violence et de bavures devant des citoyens de plus en plus matures et imbus de leurs droits et libertés.
Selon l’ARTICLE 8 de la Constitution « la république du Sénégal garantit à tous les citoyens les libertés individuelles fondamentales ».
Autres temps, autres mœurs, la police doit opérer sa mue par une formation et une pratique du maintien de l’ordre plus respectueuses des Droits Humains. Un changement systémique de la philosophie du maintien de l’ordre est une exigence devant sonner le glas à une conception relevant d’un lourd héritage ou passé colonial.
A cela s’ajoute un assainissement en profondeur de la police pour exfiltrer de ses rangs ceux qui ne remplissent pas les critères de recrutement et qui, pour la plupart, sont responsables des bavures. Qui veut simplement ne doit pas être policier. En outre, l’usage de la force par la police est strictement limité même si « force doit rester à la loi ».
Le maintien de l’ordre public est un art qui diffère du gangstérisme ou une opération de la sécurité de nervis.
Les citoyens pour leur part doivent respecter la loi, l’ordre de la loi et le commandement de l’autorité légitime. « La république, c’est la loi » selon Jacques CHIRAC. La citoyenneté commence par connaissance de la loi et de son respect ainsi de ses institutions.
Si des sanctions exemplaires contre la barbarie du régime de Macky SALL avaient été prises à l’encontre leurs auteurs, nous n’en serions pas là aujourd’hui. Vivement que justice soit faite pour plus jamais ça.
L’heure est à la rupture systémique et on en appelle à un changement de comportement et de mentalité de part et d’autre.
Papa NDIAYE, Enseignant et Juriste Consultant
Membre du Commissariat Scientifique : « JUSTICE ET QUESTIONS JURIDIQUES » du MONCAP
Chargé de Communication de PASTEF Département de Dagana