Les chiffres donnés le mardi 15 juillet 2025 par le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Dr Abdourahmane Diouf, révèlent un fait : nos universités sont budgétivores. De véritables gouffres à sous, c’est-à-dire des endroits qui consomment beaucoup d’argent, sans retour visible. Car, à l’analyse, on constate qu’il y a trop de dépenses pour de piètres résultats, notamment dans le premier cycle.
Le Sénégal compte 286 169 étudiants répartis dans 9 universités publiques (+ 2 à venir), 298 universités privées, 73 facultés, 233 départements, 6 Isep (8 à venir), 62 filières professionnelles, 15 écoles doctorales. Ces étudiants ne sont encadrés que par 2 495 enseignants-chercheurs. Sur les 286 169 étudiants, on dénombre 153 334 boursiers, dont 2 330 dans le privé, soit un taux d’allocation de 70 %. Sur 10 étudiants, 7 reçoivent une aide.
Les bourses nationales sont évaluées à 76 894 401 701 FCfa par an, et 7 546 850 559 FCfa pour celles à l’étranger, soit un total de 84 441 252 260 FCfa. Le social ne concerne pas que la bourse. Il y a également le logement et la restauration. Ainsi, les 7 Crous, disposant de 31 restaurants et de 26 567 lits, servent chaque année 30 millions de repas pour un coût de 45 milliards de FCfa, dont 40,5 milliards subventionnés par l’État.
En 2015, on était à 20 millions de repas (cf. Le Témoin du 19 mai 2015). Si l’on en croit le ministre, le coût brut actuel de l’étudiant est estimé à « 1 178 742 FCfa ». Un montant qui couvre ses besoins pédagogiques et sociaux. Ce coût a connu une nette évolution au fil des années. De 1 056 596 FCfa en 2020, il est passé à 1 134 331 en 2021, 1 052 499 en 2022, 1 155 266 en 2023 et 1 178 742 en 2024 (cf. lesoleil.sn du 15 juillet 2025).
Pendant ce temps, les résultats sont des plus faibles, puisque moins de 2 étudiants sur 10 sont diplômés durant les 3 premières années d’études (16,91 % de taux de diplomation) et 1 étudiant sur 4 abandonne dès la première année (23,44 % de taux d’abandon précoce). La situation n’a guère changé. En 2010, le pays dépensait déjà 990 000 FCfa/an/étudiant, soit le plus élevé de l’Afrique subsaharienne, selon Atou Seck de la Banque mondiale.
À l’époque, le Sénégal consacrait 18 milliards de FCfa aux bourses et aides sur le plan national, et 8 milliards pour l’étranger, soit 26 milliards de FCfa. Seuls 15 % des ressources de l’enseignement supérieur sont générés sur fonds propres ; 38 % du budget servaient à payer les bourses, 30 % les salaires des enseignants et Pats, et seulement 22 % étaient dépensés dans les activités pédagogiques. Le taux de réussite était extrêmement faible : – 30 % au 1er cycle.
Le diagnostic dressé par la Banque mondiale sur l’enseignement supérieur était sans équivoque : le Sénégal faisait plus du social. « Au Sénégal, il n’y a pas un ministère de l’Enseignement supérieur, mais des Œuvres sociales, puisque presque 70 % des ressources servent à payer les bourses et à faire du social », disait Jamil Salmi, Marocain et expert de la Banque mondiale.
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Au moment où Habib Fétini, directeur des opérations de la même structure, insistait sur la nécessité d’opérer une rupture, un changement de paradigme. Certes, l’éducation est un droit inaliénable et surtout n’a pas de coût.
Toutefois, la politique menée par les autorités depuis la mort de l’étudiant Balla Gaye en 2002 n’est point viable. Le pays ne peut pas continuer à injecter 70 % des ressources dans le social (même si c’est un pan important) au détriment du pédagogique (enseignement et recherche). Sinon, c’est la qualité qui en pâtit. Encore plus la recherche, le parent pauvre dans nos universités. Or, c’est elle qui permet de trouver des solutions aux défis auxquels nous faisons face.
Si la recherche reste toujours financée par l’extérieur, elle ne répondra jamais à nos attentes. Qui paie commande, dit-on. C’est dire que le changement de paradigme est un impératif. En effet, en cette période de manque de ressources financières, un rééquilibrage des dépenses est obligatoire afin de construire plus d’infrastructures pédagogiques et sociales, équiper nos laboratoires. Également, il urge de doter les universités d’un budget de vérité. C’est le seul gage de la qualité.
Par Daouda MANÉ (daouda.mane@lesoleil.sn)