Le Sénégal, modèle démocratique en Afrique, est confronté à des défis institutionnels et sociopolitiques dans un contexte marqué par des bouleversements économiques, des revendications sociales et une quête de souveraineté nationale accrue. Ces enjeux ont été au cœur d’un panel intitulé : « Quel modèle démocratique pour un Sénégal souverain, stable et intégré ? » et organisé, samedi dernier, lors du lancement du Cadre de réflexion démocratique et patriotique (Crdp-50), une instance de réflexion et de proposition au service de la vision du parti Pastef.
Le Cadre de réflexion démocratique et patriotique (Cdrdp-50) a été officiellement lancé. Lors de la conférence de présentation autour du thème : « Quel modèle démocratique pour un Sénégal souverain, stable et intégré ? », les discussions ont mis en exergue des préoccupations centrales. Il s’agit, entre autres, de la réforme institutionnelle, la justice, la gouvernance économique, la gestion des ressources naturelles et la nécessité de renforcer la participation citoyenne dans le processus démocratique. L’enseignant-chercheur en droit Ngouda Mboup a souligné que le modèle démocratique sénégalais est inspiré des normes occidentales souvent appliquées, de manière rigide et déconnectée, aux réalités locales.
Selon lui, la nécessité d’une africanisation de la démocratie ne serait pas un rejet des principes universels, mais un appel à leur adaptation, afin qu’ils servent réellement les aspirations des populations locales. « Une démocratie authentique ne peut être qu’une démocratie enracinée », a déclaré le président du Conseil d’administration du Port autonome de Dakar (Pad). Adama Sadio, chercheur en sciences politiques, a, pour sa part, insisté sur l’importance de pacifier les relations politiques, en particulier entre la majorité présidentielle et l’opposition. Il a proposé des mécanismes juridiques pour garantir un dialogue institutionnalisé, soulignant que les tensions politiques chroniques affaiblissent non seulement les institutions, mais aussi la confiance des citoyens envers la classe politique.
Une justice indépendante
Un autre aspect crucial abordé lors de ce panel est celui de la gouvernance économique étroitement liée à la gestion des ressources naturelles. Ngouda Mboup a rappelé que la richesse du Sénégal en ressources pétrolières et gazières peut être une bénédiction ou un fardeau suivant la manière dont elles sont gérées. Il a ainsi insisté sur l’importance d’une transparence absolue dans l’exploitation de ces ressources et d’un renforcement du contrôle parlementaire. Le juriste a également mis en exergue l’absence de consultation des communautés locales dans les grands projets économiques, un facteur qui alimente souvent les conflits sociaux.
À son avis, l’inclusion des populations dans les processus décisionnels, à travers des mécanismes de dialogue public et de participation citoyenne, est essentielle pour éviter les dérives et garantir une redistribution équitable des richesses. Le député Amadou Bâ, représentant du parti Pastef, a axé son intervention sur la réforme du système judiciaire sénégalais. Selon lui, l’indépendance de la justice est un enjeu fondamental pour restaurer la confiance des citoyens dans les institutions. Il a proposé la transformation du Conseil constitutionnel en une véritable Cour constitutionnelle dotée de prérogatives élargies. Le 5e vice-président de l’Assemblée nationale a également évoqué la nécessité de réformer le rôle du procureur, qu’il considère comme une partie ayant une maîtrise parfaite des dossiers au cours de l’audience. « Tant que le procureur restera un instrument de pouvoir, la justice sénégalaise ne pourra pas être indépendante », a-t-il affirmé.
Amadou Bâ de plaider aussi pour un système où les juges du siège bénéficient de plus d’autonomie, notamment par la protection du principe d’inamovibilité ; ce qui permettrait de réduire l’ingérence politique dans les affaires judiciaires. Aminata Touré, haute représentante du président Bassirou Diomaye Faye, a, de son côté, insisté sur la nécessité de promouvoir une citoyenneté active pour revitaliser la démocratie sénégalaise. Elle a souligné que la faible participation des citoyens dans les processus politiques, surtout des jeunes et des femmes, est un frein au développement d’une société inclusive et équilibrée.
Pour y remédier, l’ancien Premier ministre propose la réforme des programmes éducatifs afin de promouvoir, dès le plus jeune âge, les valeurs démocratiques, le civisme et l’éthique. Mme Touré a également dénoncé la corruption endémique qui gangrène les institutions et suggéré des mesures fortes pour y remédier. Le panel a, en outre, abordé la question de l’intégration régionale dans le cadre de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Ngouda Mboup a ainsi salué les efforts de l’organisation ouest africaine pour harmoniser les politiques économiques et juridiques dans la région. Cependant, il a appelé à une meilleure prise en compte des spécificités nationales dans les mécanismes d’intégration. Le juriste a aussi évoqué la souveraineté, qu’il considère comme un enjeu central pour le Sénégal. À l’en croire, une souveraineté effective ne peut être garantie que si le pays parvient à réduire sa dépendance économique envers l’extérieur. Cela passe par une valorisation des ressources nationales, une industrialisation accrue et une promotion du potentiel sénégalais.
Daouda DIOUF