Le Premier ministre Ousmane Sonko a annoncé, lors de sa prise de parole à l’occasion du conseil des ministres du Mercredi 15 Octobre, la création d’un Comité National Gas2X. L’objectif poursuivi par le Gouvernement est de garantir, dès 2026-2027, une production d’électricité plus propre, moins coûteuse et majoritairement alimentée par des ressources nationales.
Cette décision, poursuit-il, s’inscrit dans la volonté ferme du gouvernement
de faire du gaz « une ressource stratégique au service de la souveraineté énergétique, de la
réduction du coût de l’électricité et du renforcement de la compétitivité nationale ». Le comité
aura pour mission d’assurer la coordination des décisions structurantes, de garantir les arbitrages
financiers nécessaires à la Senelec et aux acteurs du secteur, et de formuler des propositions
assurant la soutenabilité financière et environnementale du modèle énergétique national. Le
gouvernement optera, par ailleurs, pour un financement souverain de plusieurs projets énergétiqueset infrastructurels d’envergure, notamment le Réseau gazier du Sénégal (RGS), Yakaar-Teranga,Sangomar et le Grand Tortue Ahmeyim (GTA).
Gas2X, définition : Le Gas2X est une dénomination générique qui regroupe toutes les utilisations
de la production gazière locale d’un pays pour en faire un levier de transformation socio
économique. Dans le cas du Sénégal, Quatre déclinaisons nous semblent pertinentes : Le
Gas2Power, le Gas2Industries, le Gas2Transports et le Gas2Households (excusez les anglicismes) :
❖ Le Gas2Power regroupe toutes les initiatives qui visent à transformer progressivement les
centrales électriques fonctionnant au Fuel vers des centrales à gaz ou des centrales bimodales, maiségalement créer de nouvelles centrales fonctionnant au Gaz. Cette transformation, qui a déjà
commencé notamment à la Senelec, ne connait pas encore d’impact significatif sur le prix du Kwh
électrique que paie le ménage sénégalais. Il est à noter, par ailleurs, que la Senelec ne produit que
30% de l’électricité qu’elle commercialise. Le reste étant acheté chez des producteurs
indépendants.
❖ Le Gas2Industries rassemble les initiatives qui visent à pousser les industries à
transformer leurs fours qui souvent fonctionnent au Fuel ou au charbon vers des fours fonctionnant au Gaz ou des fours bimodaux. On pense d’abord aux cimenteries, aux centrales à charbon pour celles qui sont les plus énergivores. Sococim, par exemple, qui est la plus grande cimenterie locale se fournit en gaz à partir du champ gazier onshore de Gadiaga, pour produire son électricité et faire fonctionner ses fours. Au-delà des cimenteries, le Gaz est également utilisé dans les industries de la production alimentaire, de matériaux textiles, de produits chimiques, dans la métallurgie, ainsi que la production de verres et de céramique. Mais le cout de l’énergie dans la production industrielle est en moyenne entre 30 et 40%, ce taux pouvant frôler les 50% dans certains cas.
S’agissant de la Pétrochimie, il a été annoncé un projet d’installation d’une usine de production
d’engrais azotés à partir du gaz produit localement. Ce projet vise à assurer l’autonomie du pays
en engrais pour son agriculture, mais également à exporter une partie de la production dans la sousrégion, afin de créer des revenus supplémentaires.
❖ Le Gas2Transports concerne l’introduction progressive de solutions à Gaz dans le
transport sénégalais. Cette option présente des avantages notamment sur le plan écologique, mais
également sur le plan de la santé publique. Le gaz peut constituer une alternative à faible émission
de carbone et à un prix plus compétitif au pétrole comme carburant routier dans le secteur des
transports. On pense prioritairement aux camions interrégionaux et aux bus de transports en
commun qui constitue une part majeure de la pollution liée aux transports. Des options existent
également pour d’autres transports en commun tels que les taxis. Deux possibilités s’offrent au
Sénégal, qui nécessiteront toutes les deux un investissement important dans des infrastructures
dédiées, notamment pour l’approvisionnement en station-service, comme c’est le cas en Inde. Le
Gaz naturel comprimé (GNC) et le Gaz Naturel Liquéfié (GNL) qui différent de par la manière
dont ils sont stockés sur les véhicules, l’un étant à l’état liquide et l’autre à l’état gazeux.
❖ Le Gas2Households : Cette partie regroupe toutes les utilisations possibles du gaz par les
ménages sénégalais. Aujourd’hui cette utilisation se limite essentiellement aux bouteilles de gaz de
butane à destination de la cuisson pour les ménages. Le gaz qui est utilisé pour remplir les bouteillescylindriques provient soit par l’importation via la réception régulière de butaniers au port de Dakar en provenance d’autres pays, soit par pompage des produits de raffinage de la Société Africaine de Raffinage (SAR) dans des cigares (réservoirs horizontaux). Petrosen TS avait annoncé déployer un projet d’installation de centres emplisseurs de bouteilles de gaz dans les régions afin d’améliorer l’approvisionnement en butane. Ce projet vient étoffer l’offre globale pour les ménages et les questions de péréquation. L’état sénégalais essaie également de pousser les populations vers l’adoption du biogaz comme alternative de cuisson au bois ou au charbon notamment dans les endroits les plus reculés du pays.
Pertinence d’un comité Gas2X : Il est à constater que 18 mois après la transition politique
intervenue au Sénégal, l’allégement de la facture énergétique attendue par les ménages et les
industries peine à se concrétiser. Le prix du kwh électrique et de la bouteille de gaz butane restent
à un niveau de prix élevé pour les ménages, et la part de l’énergie dans les coûts de fabrication
industrielles reste très importante. Ce constat intervient alors même qu’un dispositif institutionnel
important a été mis en place avec à sa tête Le Ministère de l’Energie, du Pétrole et des Mines
(MEPM) et sa Direction Générale des Hydrocarbures (DGH) qui est en charge d’assurer
l’approvisionnement énergétique du pays à des prix soutenables par les ménages, Le Réseau Gazier du Sénégal (RGS), en charge de la construction de tout le réseau gazier vers les centrales et les industries.
La Société Africaine de Raffinage (SAR), qui approvisionne les revendeurs en gaz
butane pour les ménages et s’oriente vers la Pétrochimie, La Société des Pétroles du Sénégal
(Petrosen) qui représente l’état du Sénégal dans tous les consortiums liés à la production
pétrogaziére ainsi que dans les projets de développement, La Senelec qui produit, achète et
commercialise l’électricité au Sénégal. A cela s’ajoute le Comité d’Orientation Stratégique du
Pétrole et du Gaz (COS-Petrogaz), instance d’orientation stratégique pour les autorités sur les
questions énergétiques.
Ce comité Gas2X est donc compris comme une plateforme de coordination des actions des
différents acteurs précités, dans le but de créer des synergies dans leurs actions avec potentiellementdes planifications croisées pour un impact rapide et significatif sur les couts de l’énergie auSénégal. Se pose alors la question légitime de savoir si ce comité ne sera guère qu’un comité de plus dans ce pays ou qu’au contraire ce dernier aura enfin l’impact attendu dans la transformation effective de l’opportunité Gazière. Notre avis est que les deux sont possibles.
Pour que ce Comité National Gas2X puisse réussir sa mission, il ne faudra pas qu’il se limite à une
instance d’enregistrement des décisions stratégiques et des actions de chacune des organisations
précitées, mais d’être plutôt impliqué dans la construction de ces décisions et de ces actions, car le
diable est dans les détails.
La ‘‘coordination’’ dans la planification des actions des différentes entités est importante mais elle ne pourra pas suffire. Plus qu’un comité de coordination, il nous semble que ce dernier doit se positionner comme un comité de cocréation de la décision, d’identification des chemins critiques dans une planification croisée, mais également un acteur proactif dans les décisions stratégiques et financières des différentes entités en charge d’apporter une énergie abordable dans chaque foyer sénégalais. A défaut, le risque est bien que l’on se retrouve avec un comité de plus dans notre pays.
Dr Malick CISSOKHO
Expert de l’Amont de l’Oil & Gas
Fondateur et CEO de Ogarex Energies