Monsieur le Premier ministre,
Il est des moments charnières dans la vie d’une Nation et ce vendredi 1er aout 2025 en sera. L’instant est en effet un point d’inflexion majeur dans la destinée de notre pays.
La situation socio-économique n’est pas des meilleures, vous en conviendrez. Entre un héritage lourd, un début de mandat difficile et des urgences les unes chassant les autres, la pirogue Sénégal tangue dangereusement, dans les eaux troubles d’un contexte mondial erratique.
Un seul indicateur suffit amplement pour décrire la situation : chaque mois, le remboursement de notre dette consomme toutes les recettes de l’Etat.
Sans fausse modestie ni vanité feinte, nos modestes prévisions sur l’économie sénégalaise se sont révélées exactes, depuis plus d’une année.
Monsieur le Premier ministre,
Je vous écris en tant que citoyen. Je suis convaincu que votre leadership et votre légitimité politique méritent que l’Histoire écrive votre legs socio-économique en lettres d’or.
Redresser la barre du Sénégal est bien possible, si vous prêtez une oreille attentive à ces petites solutions pragmatiques, éprouvées et audacieuses pour le bien-être partagé des Sénégalaises et des Sénégalais.
Sur la question de la dette, celle due au secteur du BTP mérite un apurement intégral. D’un montant de l’ordre de 350 Milliards, elle reste un boulet aux chevilles de l’économie, tant ses effets d’entrainement sont néfastes sur tout l’écosystème. Deux solutions peuvent aider à la résoudre une bonne fois pour toutes, et à repartir sur de bonnes bases.
Dans cette optique, un Appel Public à l’Epargne, ou un Bon ou Obligation d’Etat d’un montant d’au moins 100% de cette dette, inventoriée et rigoureusement justifiée, spécifiquement dédié à l’apurement de cet encours pourrait avoir plusieurs vertus.
Les plus évidentes seraient la relance effective de la machine économique, de rebooster les carnets de commande des PME/PMI actives sur toute la chaine de valeur et d’avoir un effet multiplicateur qui touchera l’emploi des jeunes.
Eventuellement, votre leadership, lors d’un Groupe consultatif interne, dans un dialogue tripartite sincère, patriote et ouvert, entre le secteur privé sénégalais, l’Etat et la diaspora, pourrait inciter à flécher une petite partie des 1 600 Milliards FCFA annuels d’envoi vers cet apurement, et in fine, vers des investissements et non de la consommation.
Cette mesure permettra effectivement de relancer la machine économique et de remettre le pays au travail.
Sur la question sociale, c’est possible d’impacter positivement la souffrance des plus pauvres, en remettant un filet social. C’est une bouée de sauvetage qui permet de sortir la tête hors de l’eau. Leur arrêt a plongé plus de 04 Millions de personnes dans l’extrême pauvreté et il faut les en faire ressortir, en réduisant les dépenses de l’Etat, d’une part ; et en explorant les niches d’opportunités qui existent, d’autre part. Le contenu local appliqué rigoureusement aux exploitants du pétrole et du gaz permettra de financer ledit filet social.
En effet, rien qu’en faisant appliquer la loi sur le contenu local, les 3 000 marins sénégalais recensés et qui sont remplacés par des étrangers, par des manœuvres dolosives, peuvent apporter 15 Milliards d’argent frais par an. Cela peut financer durablement le filet social si crucial pour la vie de gens dans l’arrière-pays.
Monsieur le Premier ministre,
Le vrai enjeu de notre pays, c’est de financer son développement, et cela est bien possible. Vous le dites fort bien, c’est une intime conviction que vous ne cessez de marteler : le Sénégal a les moyens de ses ambitions. Il faut amorcer la création d’un cercle vertueux en mobilisant l’épargne longue au profit de l’investissement court, notamment pour financer des projets structurants (chemin de fer, ports et souveraineté alimentaire et énergétique.)
Concrètement, la Caisse de Sécurité Sociale et l’IPRES c’est environ 300 Milliards de FCFA d’actifs annuels. Si ces montants sont mobilisés et gérés par une structure comme Poste Finances par exemple, ou la CDC, avec un mécanisme incitatif pour capter le secteur informel, un effet levier permettrait de financer convenablement les projets et programmes prioritaires, dont vous avez la légitimité morale incontestable de les dérouler et d’engranger les résultats.
Cela représente un vrai changement de paradigme, une vraie rupture dans la stratégie de financement du pays.
Enfin, la vocation naturelle du Sénégal, c’est l’ouverture ; naturelle par nos frontières naturelles, au carrefour du monde, par notre façade maritime ; stratégique et historique, et dirais-je ontologique, par la singularité de ce si beau peuple, dont « l’amour vous arrache les larmes », comme disait un de vos devanciers.
La congestion portuaire est le principal carburant de l’inflation, donc de la cherté de la vie, au Sénégal. Régler cela va faire baisser les prix, et relancer l’économie du pays. Un projet national d’envergure, avec une infrastructure logistique portuaire liftée, combinée avec l’exploitation des ports secondaires et un transport multimodal est dans les starting-blocks. Sa mise en œuvre va changer durablement le pays.
Monsieur le Premier ministre,
Une ouverture n’est pas une abdication ; elle n’est non plus un genou posé à terre, bien au contraire. Une ouverture par la diplomatie économique permettra, dans votre belle ambition de redresser les choses, d’opérer un virage progressif, et non abrupt.
La route du redressement socio-économique de soixante années d’échec est longue, la pente raide et le virage sec. Il faut de la dextérité et de l’intelligence stratégiques.
C’est le sens de cette interpellation positive que nous vous adressons, animés du seul aiguillon de proposer des solutions et de contribuer à changer positivement le pays.
Par M. Seydina Alioune NDIAYE
Economiste, seydina.ndiaye@outlook.com