Au Sénégal, la gestion des accidents de la circulation impliquant uniquement des dommages matériels reste un véritable défi. La lenteur des procédures, le manque d’informations claires pour les usagers, le coût des constats payés aux cabinets d’huissiers et l’engorgement des voies en raison d’attentes prolongées créent une situation préoccupante. Pourtant, des solutions simples et efficaces existent pour améliorer la prise en charge des constats et limiter l’impact des accidents sur la mobilité urbaine.
L’amer constat des automobilistes
Actuellement, après un sinistre, les conducteurs déjà en situation de détresse doivent trouver le contact d’un huissier de justice en sollicitant une multitude de personnes (famille, amis, collègues, etc.). De plus, les huissiers ne sont pas disponibles à certaines heures. Si, après plusieurs tentatives, vous parvenez à joindre un cabinet, la localisation de votre accident pourrait être un motif de refus de prestation. Cependant, certains professionnels bienveillants recommandent parfois les services d’un de leurs collègues résidant à proximité du lieu de l’accident.
Trouver un huissier qui accepte de prendre en charge votre accident est un défi, et devoir payer des frais élevés – pouvant aller jusqu’à 52 000 FCFA – exigés par certains cabinets d’huissiers en est un autre. Ces montants sont parfois demandés à l’avance, alors même que les procès-verbaux ne sont pas encore rédigés.
Une connaissance travaillant dans le secteur des assurances, à qui j’exposais souvent ces problèmes liés à la prise en charge des accidents matériels, m’a parlé d’un nouveau service gratuit mis en place avec des professionnels de l’assurance : Taxawulen. Malheureusement, son site web n’est pas accessible au moment où j’écris ces lignes. L’idée est bonne, mais le service semble encore méconnu, et le numéro de téléphone n’est pas facilement joignable. De plus, aux dernières nouvelles, il ne fonctionnerait pas à certaines heures de la nuit.
Dans tous les cas, même si les victimes parviennent à trouver un huissier pour un constat, elles doivent souvent attendre plusieurs mois, voire une année, avant d’être indemnisées par certaines compagnies d’assurance.
Des conséquences inquiétantes
Cette situation exaspérante a conduit à deux habitudes désormais ancrées chez les automobilistes en cas de sinistre : Souscrire une assurance avec des garanties minimales, communément appelée Assurance Policier. Avec un coût mensuel oscillant entre 8 000 F et 10 000 F, cette assurance, comme son nom l’indique, permet simplement d’être en règle lors des contrôles routiers.
Renoncer systématiquement au constat d’huissier en cas d’accident matériel, pour éviter les tracasseries administratives, la perte de temps et le coût élevé de la prise en charge.
Cette perte de confiance généralisée des automobilistes sénégalais envers les assurances pousse certains à rouler sans couverture. Pendant ce temps, à l’international, notamment en Europe, la réglementation est beaucoup plus flexible : les conducteurs y remplissent eux-mêmes un constat en cas d’accident matériel, dans un processus digitalisé et transparent, facilitant grandement la gestion des sinistres. Il est essentiel que nous nous inspirions de ces modèles pour moderniser notre propre système et alléger les charges pesant sur nos concitoyens.
Recommandations pour une réforme efficace
1. Optimiser le processus de constat
Dans plusieurs pays, l’introduction du constat amiable simplifié a permis de désengorger les routes tout en facilitant les démarches auprès des compagnies d’assurance. Au Sénégal, malgré l’existence d’un cadre réglementaire, l’application effective de ce type de procédure reste limitée. Il serait pertinent d’encourager une adoption plus large du constat amiable, en sensibilisant les conducteurs et en intégrant des outils numériques permettant de déclarer rapidement un incident.
2. Miser sur la digitalisation
L’usage des nouvelles technologies offre une opportunité de fluidifier la gestion des accidents matériels. Une application mobile dédiée, développée en partenariat avec les assureurs et les autorités compétentes, pourrait permettre aux conducteurs d’effectuer un constat en quelques minutes, d’envoyer directement les informations nécessaires aux assurances et de libérer rapidement la voie publique. Cette approche, déjà éprouvée ailleurs, garantirait une meilleure réactivité et une transparence accrue.
3. Renforcer la sensibilisation et la formation
Une meilleure gestion des constats passe aussi par une prise de conscience des usagers de la route. Il est essentiel d’intégrer, dès la formation au permis de conduire, des modules spécifiques sur le constat amiable et les bons réflexes en cas d’accident. De même, des campagnes de sensibilisation régulières permettraient d’habituer progressivement les automobilistes à adopter les bons gestes.
4. Faciliter l’intervention des forces de l’ordre
Lorsque les forces de l’ordre sont sollicitées pour constater un accident, un dispositif plus agile pourrait être mis en place. Une brigade mobile spécialisée, équipée d’outils numériques, pourrait intervenir rapidement pour réguler la situation et éviter que des accrochages mineurs ne bloquent inutilement la circulation.
Conclusion
L’amélioration du traitement des constats en cas d’accident avec dommage matériel est un enjeu majeur pour la fluidité du trafic et la protection des usagers. En combinant digitalisation, sensibilisation et réactivité des autorités, il est possible de transformer radicalement l’expérience des conducteurs tout en réduisant l’impact des accidents sur la mobilité urbaine. Une réforme en ce sens bénéficierait à l’ensemble des usagers et contribuerait à une meilleure organisation du réseau routier.
J’encourage nos députés à porter cette question à l’Assemblée nationale et à œuvrer pour une réforme qui permettrait une simplification des constats d’accident, en explorant des alternatives plus accessibles et efficaces.