L’agression israélienne contre l’Iran, déclenchée le 13 juin 2025, s’avère assurément une erreur de calcul de la part de Benjamin Netanyahou. Sans doute nostalgique de la guerre des Six Jours, qui avait vu une victoire éclair et éclatante de l’État hébreu sur l’Égypte, la Syrie, l’Irak et la Jordanie, le Premier ministre israélien a peut-être voulu rééditer le même exploit contre l’Iran, 58 ans plus tard. Mais mal lui en prit.
Avant de s’attaquer au régime des Mollahs, Netanyahou n’a certainement pas mesuré que les Iraniens ne sont pas des Arabes, mais des Perses, descendants d’une des civilisations les plus anciennes et puissantes de l’histoire de l’humanité. Or, qui dit civilisation dit forcément science, technologie, découvertes, etc. La civilisation perse a en effet développé des connaissances remarquables qui ont influencé l’Antiquité. Par exemple, les Perses excellaient dans l’ingénierie hydraulique avec le système des qanats : des canaux souterrains permettant d’irriguer les régions arides en transportant l’eau des montagnes sur de longues distances. Ce fut une technologie révolutionnaire. Ils étaient aussi de grands fabricants d’armes, maîtrisant parfaitement le travail des métaux. Cette excellence scientifique et technologique, prouvée dans bien d’autres domaines, a contribué à faire de l’empire perse l’une des civilisations les plus avancées du monde antique.
C’est à ce peuple, nanti de l’héritage de ses ancêtres, qu’Israël, État né le 14 mai 1948 sous l’égide de l’ONU, s’en est pris, en menant des bombardements sur les sites nucléaires iraniens et en procédant à des assassinats ciblés de responsables militaires et scientifiques. L’agresseur affirme avoir préparé cette attaque pendant plus d’un an. La victime, quant à elle, a su mobiliser son héritage technologique ancestral : en utilisant des techniques de réseaux souterrains, elle a enfoui profondément ses unités d’enrichissement d’uranium et stocké sous terre des milliers de missiles balistiques et hypersoniques.
C’est pourquoi, après quelques dysfonctionnements initiaux de la défense anti-aérienne et passé l’effet de surprise, la riposte iranienne, qualifiée de « châtiment sévère », s’est révélée dévastatrice. Le mythe de l’imperméabilité du « Dôme de fer » s’est effondré, malgré l’aide apportée par le grand allié et sponsor américain. Les victimes se comptent de part et d’autre, et chaque camp promet l’anéantissement de l’autre.
Nous n’allons pas ici dresser un décompte macabre des victimes ou énumérer les destructions infligées par les belligérants. Nous allons plutôt nous intéresser aux implications de ce conflit pour la sécurité internationale
Les implications
Sur le plan diplomatique, la première conséquence est le retrait de l’Iran des négociations sur son programme nucléaire et la fermeture de ses frontières aux agents de l’AIEA. Des voix officielles iraniennes ont déclaré ne plus faire confiance aux États-Unis, perçus comme directement ou indirectement impliqués dans cette attaque. Les pourparlers sont donc au point mort.
Sur le plan économique, l’Iran menace de fermer le détroit d’Ormuz. Si cette menace venait à se concrétiser, les conséquences énergétiques seraient majeures à l’échelle mondiale. En effet, 21 % du pétrole et 25 % du gaz naturel liquéfié transitent par cette voie. Une fermeture provoquerait une flambée immédiate des prix du pétrole et du gaz, affectant durement les économies mondiales, en particulier les pays importateurs d’énergie. Une telle escalade transformerait une crise régionale en une crise globale majeure.
Sur le plan géopolitique, de nouvelles alliances émergent. La Chine, puissance nucléaire et deuxième économie mondiale, a rapidement condamné l’attaque israélienne et soutenu l’Iran dans sa riposte. Elle a clairement, sans ambiguïté, choisi son camp. Le 16 juin, un avion en provenance de Pékin a atterri à l’aéroport de Téhéran, suscitant de nombreuses spéculations. Le Pakistan, autre puissance nucléaire, a menacé d’anéantir Israël si ce dernier faisait usage de l’arme nucléaire contre l’Iran.
Cette alliance Chine–Pakistan–Iran se positionne désormais face aux pays occidentaux (États-Unis, Royaume-Uni, France) et à l’Inde, alliés traditionnels de l’État hébreu. Qu’en est-il de la Russie ? Pour le moment, Vladimir Poutine, après un entretien téléphonique d’une cinquantaine de minutes avec Donald Trump, a proposé sa médiation. Embourbée depuis plus de trois ans dans la guerre en Ukraine, la Russie a sans doute d’autres priorités que de s’engager dans un nouveau conflit. Toutefois, ce nouveau théâtre de guerre entre Israël et l’Iran représente une opportunité stratégique pour Moscou et une mauvaise nouvelle pour Kiev. Les États-Unis, jusqu’ici principaux pourvoyeurs d’armes et de renseignements à l’Ukraine, sont désormais focalisés sur la défense d’Israël. La Russie pourrait ainsi bénéficier d’un affaiblissement du soutien occidental à l’Ukraine.
Conclusion
Nul ne peut prédire avec certitude l’issue de ce conflit au Moyen-Orient. L’implication des alliés respectifs et le niveau de leur engagement seront déterminants pour la suite des événements.
Abdoulaye NDIAYE, Docteur en science politique.