Dans un contexte marqué par la nécessité de restaurer l’équilibre budgétaire tout en maintenant la cohésion sociale, nous avons élaboré deux scénarios d’ajustement budgétaire pour la période 2025–2028. Ces scénarios tiennent compte de la sensibilité économique, sociale et politique du prix de l’énergie. En effet, lever les subventions sur les produits énergétiques pourrait avoir des effets inflationnistes, alourdir les coûts de production et nuire à la productivité ainsi qu’à la compétitivité de l’économie.
Les deux scénarios partent d’une hypothèse commune : un taux de croissance moyen annuel du PIB réel de 6,5 % et un taux d’inflation de 2,5 % . L’objectif est de réduire le déficit budgétaire de 14 % du PIB nominal en 2024 à 3 % en 2027–2028, ce qui implique un effort d’ajustement cumulé de 2 031 milliards FCFA sur la période 2025–2028.
Scénario 1 : Ajustement budgétaire avec réduction des subventions à l’énergie
Ce scénario repose sur une approche volontariste qui intègre la réforme progressive et ciblée des subventions à l’énergie. Il permet de libérer une marge de manœuvre budgétaire significative, tout en finançant la protection des groupes vulnérables par des transferts sociaux ciblés.
Mesures clés :
– Réduction progressive des subventions à l’énergie : 600 à 800 milliards FCFA économisés sur la période ;
– Rationalisation des dépenses de fonctionnement et de train de vie de l’État : 400 à 600 milliards FCFA ;
– Introduction de nouvelles taxes ciblées (digital, environnement, luxe) : 200 à 300 milliards FCFA ;
– Renforcement de la mobilisation fiscale et lutte contre les exonérations abusives : 300 à 400 milliards FCFA ;
– Valorisation des actifs publics (recyclage d’actifs) : 500 milliards FCFA.
Avantages :
– Réduction plus rapide du déficit budgétaire ;
– Réaffectation des dépenses vers l’investissement productif ;
– Renforcement de la crédibilité financière et de la soutenabilité de la dette.
Risques :
– Hausse des prix de l’énergie, effets inflationnistes et pertes de compétitivité économique à court terme ;
– Résistance sociale en cas de mesures mal ciblées ;
– Nécessité de renforcer les filets sociaux et les mécanismes de compensation.
Scénario 2 : Ajustement budgétaire sans toucher aux subventions à l’énergie
Ce scénario préserve les subventions énergétiques pour éviter les tensions sociales et maintenir la stabilité des prix à la consommation et des coûts de production ainsi que la compétitivité de l’économie. L’effort d’ajustement repose exclusivement sur d’autres leviers budgétaires et fiscaux.
Mesures clés :
– Réduction des dépenses de fonctionnement et rationalisation du train de vie de l’État : 700 à 900 milliards FCFA ;
– Instauration de nouveaux impôts et taxes (secteurs émergents, fiscalité verte) : 300 à 400 milliards FCFA ;
– Amélioration de la performance de l’administration fiscale : 400 à 500 milliards FCFA ;
– Recyclage et valorisation d’actifs publics : 500 milliards FCFA ;
– Réduction ciblée de certaines niches fiscales estimées à 200 milliards FCFA (exonérations sur la TVA et les droits de douane, abattements excessifs en matière d’impôt sur les sociétés).
Avantages :
– Préservation du pouvoir d’achat des ménages ;
– Maintien de la stabilité macroéconomique à court terme ;
– Moindre risque de tension sociale immédiate.
Limites :
– Rythme plus lent de réduction du déficit ;
– Pression accrue sur les autres postes budgétaires ;
– Moindre capacité à dégager des ressources pour l’investissement.
Conclusion
Les deux scénarios présentés montrent qu’un ajustement budgétaire de 2 031 milliards FCFA est possible sur quatre ans, à condition de faire des choix courageux et cohérents. Si le scénario 1 permet une réduction plus rapide du déficit, il requiert un forte capacité d’absorption sociale et des mesures d’accompagnement efficaces. Le scénario 2 est plus prudent socialement, mais ralentit le rythme de consolidation budgétaire.
Dans les deux cas, la réussite du Plan repose sur trois leviers essentiels :
– une gouvernance renforcée, fondée sur la transparence et la redevabilité ;
– une allocation plus efficace et stratégique des ressources publiques ;
– une politique volontariste de soutien à l’offre, articulée autour de la stimulation de l’investissement privé, du développement des partenariats public-privé, et de la mise en œuvre de réformes structurelles visant à moderniser l’appareil productif. Cette politique devra également inclure la mise en place de garanties publiques facilitant l’accès au crédit pour le secteur privé, ainsi que la promotion de mécanismes de financement innovants adaptés aux besoins de l’économie nationale.
Une communication claire et une adhésion sociale large sont également indispensables pour assurer le succès de la trajectoire d’ajustement et de transformation économique.
Pr Amath NDIAYE
FASEG-UCAD