Le Sénégal marque un tournant décisif dans la lutte contre la délinquance financière. Avec la refonte de l’Office National de Lutte contre la Corruption (OFNAC), le pays réaffirme sa détermination à combattre la corruption, l’enrichissement illicite, les infractions assimilées et connexes. Ce projet de loi, pierre angulaire d’une gouvernance renforcée, vise à consolider la transparence et à honorer les engagements internationaux du Sénégal.
Qu’est-ce que le nouvel OFNAC ?
L’OFNAC est une autorité administrative indépendante, dotée d’une autonomie fonctionnelle, financière et de gestion. Rattaché à la Présidence de la République, son siège est établi à Dakar.
Son indépendance signifie qu’aucune autorité ne peut lui donner d’instructions dans l’exercice de ses missions est spécifiquement dédié à la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite, ainsi que les pratiques assimilées et les infractions connexes, en vue de promouvoir l’intégrité et la probité dans la gestion des affaires publiques et privées conformément aux instruments juridiques internationaux auxquels le Sénégal est signataire ; avec des attributions clairement définies : (Art 3).
• Prévention : Identifier les risques de corruption et proposer des solutions pour les éliminer.
• Détection et enquête : Découvrir, documenter et instruire les dossiers relatifs à la corruption, à l’enrichissement illicite et aux infractions assimilées.
• Transmission à la justice : Recueillir les éléments nécessaires et les transmettre aux autorités judiciaires compétentes.
• Recommandations institutionnelles : Suggérer des réformes légales ou réglementaires pour améliorer la gouvernance.
• Réception des plaintes : Enregistrer et examiner les dénonciations de citoyens, entreprises ou institutions, y compris de manière anonyme.
• Coopération nationale et internationale : Collaborer avec les acteurs locaux et étrangers engagés dans la lutte contre la corruption.
3. Nouveautés majeures introduites par la loi
• Un périmètre clarifié : L’OFNAC se concentre uniquement sur la corruption et l’enrichissement illicite. Les missions d’audit ou de lutte contre la fraude fiscale, douanière ou bancaire relèvent désormais d’autres organes spécialisés (Cour des Comptes, administrations fiscales et douanières).
• Nomination transparente : Les membres seront choisis à l’issue d’un appel à candidatures public, garantissant la compétence et l’intégrité des désignés.
• Respect des droits fondamentaux : la suppression de certaines dispositions de la loi n° 2024-06 du 09 février 2024. La loi corrige des points controversés des textes précédents. Par exemple : l’OFNAC ne pourra plus ordonner de garde à vue ; cette prérogative reste strictement aux autorités judiciaires.
• Publication des rapports : Les rapports d’activités et d’enquêtes pourront être rendus publics pour renforcer la transparence.
• Déclaration de patrimoine : Les règles encadrant les déclarations de patrimoine des agents publics sont revues pour plus de rigueur et de traçabilité.
4 Organisation et pouvoirs d’enquête:
• Composition : Douze (12) membres, dont un Président et un Vice-Président, nommés pour un mandat unique de cinq (5) ans non renouvelable. Ils prêtent serment devant la Cour d’Appel et sont soumis au secret professionnel.
• Pouvoirs d’investigation :
Audition de toute personne.
Accès à tout document ou information, y compris ceux couverts par le secret bancaire ou professionnel.
Recours à des techniques spéciales d’enquête prévues par la loi.
Gel administratif ou saisie préventive de biens liés à la corruption (Article 36.2.b).
5- Saisine et suites judiciaires
L’OFNAC peut :
•S’autosaisir .
• Être saisi par tout citoyen, dénonciateur, entreprise ou autorité, y compris par un lanceur d’alerte, de manière nominative ou anonyme.
Après enquête :
• Soit l’affaire est classée sans suite,
• Soit un rapport circonstancié est transmis au Procureur de la République.
6- Dispositions clés pour les citoyens et les acteurs publics
Indépendance garantie : Les membres agissent sans pression politique ou administrative, condition essentielle à une lutte crédible contre la corruption.
– Transmission obligatoire au juge (Article 38) : Lorsque l’OFNAC saisit le Procureur avec des éléments probants, ce dernier doit immédiatement saisir le juge d’instruction ou la juridiction compétente.
– Le Procureur ne peut différer la procédure que pour une médiation pénale (Art 32 CPP) ou un complément d’enquête. Pour le public, cela signifie qu’un rapport de l’OFNAC a un impact direct et rapide sur l’action judiciaire.
1. Gel administratif des biens : Mesure préventive puissante pour éviter la dissipation de biens soupçonnés d’origine illicite. Des voies de recours sont prévues pour contester ces décisions.
2. Prescription prolongée : Le délai de poursuite est désormais de sept (7) ans à compter de la découverte de l’infraction, avec suspension en cas de fuite de l’auteur. Cela permet de poursuivre des faits longtemps dissimulés, réduisant le risque d’impunité.
Ce projet de loi marque une avancée significative dans l’arsenal juridique du Sénégal contre la corruption. Il allie indépendance institutionnelle, moyens d’investigation renforcés et garanties procédurales pour protéger les droits tout en assurant l’efficacité des poursuites.
Le législateur entend envoyer un signal clair : la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite est désormais une priorité nationale, appuyée par des garanties procédurales solides.
Cet « Acte II » n’est pas seulement une modernisation technique ; il incarne la volonté de bâtir une gouvernance exemplaire où la probité devient la règle et l’impunité l’exception. Le succès de cette réforme dépendra autant de la rigueur des institutions que de l’engagement des citoyens, acteurs essentiels d’une société intègre et responsable.
EL Amath THIAM, Juriste Consultant et PRÉSIDENT DE JUSTICE SANS FRONTIERE.
Justice100f@gmail.com