La VISION est claire : il s’agit de faire de l’administration publique, une administration performante, pivot de la mise en œuvre des politiques publiques de développement contenues dans le nouveau référentiel des politiques économiques et sociales : la VISION SENEGAL 2050.
La quête de la performance de l’administration publique est une préoccupation majeure des nouvelles autorités. Elle est revenue à maintes reprises dans le discours du Président de la République, Bassirou Diomaye Faye et de son Premier Ministre Ousmane SONKO.
En effet, dès le lendemain de sa prestation de serment, le 06 avril 2024, le Président de la République a adressé une lettre à l’ensemble des fonctionnaires et agents de l’administration qu’il considère comme « le Cœur battant de notre pays », les invitant à porter le Projet d’un « Sénégal réconcilié, transparent et équitable, où le développement durable et inclusif n’est pas un idéal lointain, mais une réalité tangible, à portée de mains ».
De même, dans son discours prononcé lors de la première édition de la Conférence des administrateurs et managers publics (CAMP) qui s’est tenue le 20 janvier 2025, le Président Bassirou Diomaye FAYE est revenu sur la nécessité de faire face à une administration hypertrophique et budgétivore, qui ne contribue pas suffisamment aux dividendes de la nation. Il a donc plaidé pour une réforme profonde de l’administration, visant à la rendre plus proche des citoyens, plus flexible et plus efficiente dans la réalisation de ses missions.
Mais comment y parvenir ? Quelle stratégie faudrait-il mettre en œuvre ? Comment décliner cette stratégie en plan d’actions opérationnel à tous les niveaux de l’administration ?
Au-delà des vœux pieux et des déclarations d’intention, il urge de mettre en place des stratégies et des mécanismes pertinents pour sortir du cercle vicieux d’une administration à la traine (ou perçue comme tel) par rapport aux attentes urgentes et évolutives des populations ; pour une administration performante, en mesure de répondre de manière rapide et flexible aux attentes de son environnement.
Pour réaliser cela, il est nécessaire de sortir des cadres d’analyse (et d’actions) classiques qui ont montré leurs limites, car la quête de la performance ne saurait être circonscrite à des mesures d’austérité budgétaire et/ou à l’accroissement des mécanismes de contrôles (bien que nécessaires). Pour réussir la transformation systémique de l’administration publique, il faudra opérer une véritable révolution des pratiques managériales en s’appuyant sur trois principaux leviers :
– La démarche qualité ;
– Le pilotage de la performance par la Contractualisation ;
– La capacitation des managers publics.
LA GENERALISATION DE LA DEMARCHE QUALITE
La première étape de la révolution managériale, Telle qu’elle est prônée par le Président de la République, consistera à «la généralisation du management de qualité dans toutes les structures publiques et parapubliques ». La Qualité ne se décrète : elle résulte d’une démarche méthodique et rigoureuse dont l’objectif général est d’améliorer en permanence la performance des structures de l’administration publique. De façon spécifique, la démarche qualité permettra :
- d’instaurer la culture de la qualité dans l’administration publique ;
- de fédérer les équipes autour d’une vision, d’une culture et des méthodes de travail communes axées sur la quête de qualité ;
- de clarifier les rôles, responsabilités et processus opérationnels garants de la fluidité dans l’exécution des tâches ;
- d’améliorer l’organisation et le fonctionnement des structures publiques ;
- d’optimiser les ressources (humaines, financières et logistique) et de réduire les coûts de production des services ;
- de favoriser la satisfaction des usagers et bénéficiaires des services publics ;
- de réduire les coûts de non-qualité ;
- de favoriser l’apprentissage organisationnel et par conséquent l’agilité/la flexibilité des structures publiques ;
- de faciliter la dématérialisation des procédures administratives ;
- Etc.
A cet égard, la démarche qualité a déjà fait ses preuves dans le secteur privé. Elle a fini par faire une percée fulgurante dans les administrations publiques en démontrant notamment son influence réelle sur la performance organisationnelle des services publics.
En France la démarche qualité a été au cœur des différentes réformes de l’administration publique engagées depuis les années 80. De quelques expériences sporadiques dans les années 80 (avec notamment les « cercles qualité » initiés dans le cadre du Programme Qualité France de M. E. Balladur), la démarche qualité s’est progressivement installée dans le secteur public à partir des années 2000, comme un outil de pilotage de la performance. Subséquemment, plusieurs initiatives ont vu le jour dans la foulée concernant les politiques de modernisation engagées par l’Etat :
– D’abord le Cadre d’Autoévaluation des Fonctions publiques (CAF), largement inspirée de l’European Fondation for Quality Management (EFQM) en 1999 ;
– ensuite la loi organique relative aux lois de finance (LOLF) qui fait de la qualité un des trois critères d’évaluation de la performance des politiques publiques ;
– et enfin la charte Marianne en 2003 qui a impulsé une démarche qualité des services accueillant du public.
Toutes ces initiatives portées par l’Etat français ont contribué à une diffusion plus large de la démarche qualité et des outils qualité aussi bien dans les Ministères, les entreprises publiques, les établissements publics que dans les collectivités territoriales.
Dans la sous-région ouest-africaine, un pays comme la Côte d’ivoire (numéro 1 de la zone UEMOA), a misé depuis plusieurs années sur la démarche qualité pour améliorer la performance de ses structures publiques. En témoigne l’existence de Directions /Services/structures en charge de la qualité dans quasiment tous les Ministères et grandes Directions générales (Direction Générale du Budget et des Finances (DGBF), Direction générale des marchés publics, Observatoire du service public (OSEP) etc.).
Au Sénégal, la démarche qualité dans l’administration publiques est encore à l’état embryonnaire, rares sont les structures publiques disposant de services ou de Direction qualité encore moins de système de management de la qualité. Même quand, elle existe, la démarche qualité est souvent limitée à la recherche de certifications de types ISO 9001, ISO 14001, ISO 27000 etc., au détriment d’une démarche qualité visant la performance durable de l’organisation.
Pour réussir le pari de la modernisation de son administration publique, le Sénégal devra miser sur la généralisation de la démarche qualité pour en faire le pivot des prochaines réformes, à l’instar de la politique nationale d’assurance qualité dans l’enseignement supérieur, portée par l’Autorité nationale de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation depuis 2012.
LE PILOTAGE DE LA PERFORMANCE PAR LA CONTRACTUALISATION
Le deuxième pilier de la révolution managériale sera le pilotage de la performance à travers notamment la généralisation des contrats de performance. Passer de la logique de moyens à la logique de résultats tirée par une stratégie claire qui est déclinée en plan d’action réaliste.
Généralement associée au secteur privé, la notion de performance est synonyme de profit ou de rentabilité financière. La performance est souvent mesurée à l’aune des indicateurs financiers tels que les ratios de structure (solvabilité, liquidité), les ratios de gestion (productivité, exploitation), les ratios de rentabilité (marge d’exploitation, rentabilité financière, indicateur de faillite) etc.
Pour une structure publique, dont toute l’activité ou une partie se situe dans des secteurs non marchands, il sera nécessaire de contextualiser la mesure de la performance. Celle-ci ne s’appréciera pas uniquement au travers d’indicateurs financiers, même s’ils restent importants. Des indicateurs non-financiers contribueront également à mesurer l’impact direct de l’administration sur les usagers et bénéficiaires de services publics et de façon générale sur le développement socioéconomique du pays.
Pour ce faire, l’Etat devra généraliser les Contrats de Performance dans les structures publiques. La démarche de contractualisation permettra d’élaborer des plans d’action clairs avec des indicateurs de performance pertinents, qui s’adossent à la vision et les objectifs stratégiques définis par les tutelles (Ministères). Combinée à la démarche qualité, la démarche de contractualisation permettra d’identifier les goulots d’étranglements qui plombent le fonctionnement des services publics et de promouvoir l’amélioration continue de la performance. Elle permet également aux structures et à leurs tutelles de disposer d’une base de travail commune, orientée objectifs et résultats.
LA CAPACITATION DES MANAGERS :
Le troisième pilier de la révolution managériale repose sur le FACTEUR HUMAIN.
Pour répondre aux enjeux liés à la modernisation de l’administration publique, le mode de management doit évoluer. A cet effet, les managers et administrateurs publics doivent, eux aussi, évoluer et sortir des carcans bureaucratiques traditionnels qui inhibent l’esprit d’innovation et de créativité.
En clair, les deux premiers piliers de la révolution managériale, aussi importants qu’ils soient, n’atteindront pas leur efficacité optimale si les managers des structures publiques ne sont pas assez outillés pour tirer leurs équipes vers les changements voulus.
Il faudra dès lors, rompre avec la présomption de compétences managériales attribuées systématiquement à un sortant de l’ENA, un titulaire de Bac+5 ou d’un Doctorat/PHD etc. En effet, le fait de disposer d’une expertise avérée dans un domaine donné ne garantit pas forcément l’aptitude à manager une structure publique.
Le management s’apprend. Il faudra que les managers des structures publiques soient formés aux techniques et outils de management moderne pour faire face aux défis multiples et multiformes auxquels ils seront confrontés tous les jours, tout au long du chemin qui mène vers la transformation systématique de l’administration.
Pour cela, il faudra mettre en place un dispositif de formation continue en « management » destiné à toute personne nouvellement nommée « manager » ou « administrateur » d’une structure publique. Cette formation accessible en présentiel et à distance, pourrait être logée à l’Ecole nationale d’administration (ENA) et animée par de grands managers publics et universitaires du domaine.
En somme, c’est une bonne chose d’avoir une vision, une stratégie et des objectifs clairs, mais c’est encore mieux si on sait les déployer sur l’ensemble des composantes de l’administration de façon à assurer l’alignement stratégique avec la Vision Sénégal 2050.
MASSAMBA SALL SECK
MANAGER QUALITE-PERFORMANCE