C’est jeudi dernier, au Cinéma Pathé Dakar, que l’adaptation de l’un des romans sénégalais voire africains les plus populaires, « Une si longue lettre » de Mariama Bâ, a connu son avant-première nationale. La fiction dramatique de cent minutes, réalisée par Angèle Diabang, est une critique sociale qui a su conserver la fraîcheur d’une œuvre-radioscopie d’une société d’il y a 50 ans.
C’est aussi cela, un classique. Il est intemporel, inspire à jamais et donne vie aux âmes et œuvres qui s’en nourrissent. « Une si longue lettre » de Mariama Bâ a donné de sa lumière et de sa grâce au film éponyme, une adaptation au cinéma de la réalisatrice et autrice Angèle Diabang. La fiction dramatique de 90 minutes, pour son avant-première nationale, jeudi dernier, a été projetée simultanément dans 4 salles du Complexe de cinéma Pathé Dakar.
L’œuvre ne pouvait assurément tenir sur une seule salle de projection. À l’affiche à partir de ce week-end, les entrées sont également presque épuisées. Peut-être le film part pour détrôner « Bak’s » (1974), crédité comme le film avec le plus grand nombre d’entrées en salle au Sénégal. C’est vrai, l’esprit de Mariama Bâ et de son livre ont drainé toute cette passion. « Une si longue lettre » est l’un des livres sénégalais les plus populaires, sinon le plus populaire. Mais au-delà de l’empreinte de Mariama Bâ, le film vaut pour sa qualité.
Pour une école du soir Présenté en avant-première mondiale au Fespaco 2025 dans la catégorie « Perspectives », ce premier long-métrage fiction de l’expérimentée autrice est aussi sélectionnée au Lucarno Film Festival (Suisse), à l’African film festival de New-York (États-Unis), au Dakhla film festival (Maroc), à la Semaine du centenaire de Paulin Soumanou Vieyra à Tours (France), ainsi qu’à la Nuit ivoirienne du septième art et de l’audiovisuel (Nisa) dans huit catégories. Pour cette adaptation, Angèle Diabang a épousé le principe de l’école du soir chère à Sembène Ousmane.
La réalisatrice sénégalaise soutenait en 2014, à la Fabrique des cinémas du monde du Festival de Cannes, qu’elle voulait porter le film à l’écran parce que les jeunes ne lisent plus et qu’il était important de connaître ce film et son questionnement de la condition féminine. Angèle Diabang porte en effet le projet de cette adaptation depuis 2012.
Un long moment de production, avec la délicatesse d’aborder des mœurs au Sénégal, en Afrique. Elle a déjà fait l’expérience de la censure avec son film « Un air de Kora ». Elle a été aussi surtout confrontée aux achoppements de l’écosystème africain du cinéma. Elle souligne notamment avoir dû refuser des financements qui allaient la contraindre à un regard avilissant.
Or, bien qu’en préservant sa liberté de création, Angèle Diabang tenait à respecter la culture sénégalaise, et surtout l’esprit du livre. Notons par ailleurs que « Une si longue lettre » a connu une première adaptation au petit écran, dans un téléfilm interprété par la Troupe « Daraay Kocc » des années 1980 et produit par la Rts. À cette époque, Amélie Mbaye, qui interprète l’actrice principale (Ramatoulaye), était téléspeakerine à la Rts avec la mythique journaliste Reine Marie Faye (décédée en 2020) qui lisait les passages de la lettre pour le téléfilm.
Mamadou Oumar KAMARA