La quête de la vérité est une composante incontournable pour tout journaliste. Ndèye Fatou Diéry Diagne en a fait un sacerdoce. Son quotidien est rythmé par un engagement constant dans la vérification des faits et la lutte contre les fake news. Devenue aujourd’hui une voix autorisée du fact-checking, une démarche parée de toutes les vertus, elle a rédigé un ouvrage à paraître bientôt : « Résister à la désinformation ». Une façon pour elle de raconter son expérience, mais aussi d’ouvrir un espace de réflexion sur la responsabilité, la vérité et la place du journaliste dans un environnement saturé d’informations.
Si démêler le vrai du faux était un art, Ndèye Fatou Diéry Diagne serait, sans aucun doute, une artiste, une virtuose, tant la quête de la vérité est, pour elle, une obsession chronique. Elle doute de tout. Même des évidences. Parce qu’elle est persuadée que les apparences peuvent souvent tromper. À juste titre. « Avec le temps, cela a fini par devenir une déformation professionnelle, mais aussi une façon d’être au monde : ne jamais se contenter de ce qu’on voit ou de ce qu’on entend, toujours chercher à comprendre, à vérifier, à recouper », confesse-t-elle. Fatou Diéry Diagne, affectueusement appelée Diéry, a foi en la vérité et comme le rappelle si bien Jean-Jacques Rousseau dans le « Discours sur les sciences et les arts ». La journaliste est, elle aussi, convaincue que « le faux est susceptible d’une infinité de combinaisons ; mais la vérité n’a qu’une manière d’être ».
Professionnelle et passionnée
Avec l’avènement des réseaux sociaux qui a favorisé l’accès illimité à l’information et la propagation des fake news, Diéry se dresse comme un rempart contre les fausses nouvelles. Chez elle, la vérification des faits constitue un combat de principe. L’objectivité, la neutralité et l’impartialité en bandoulière, sa conviction est que le journalisme doit être un rempart contre les manipulations et les dérives informationnelles qui menacent la société. Fact-checkeuse en chef au quotidien national « Le Soleil », Diéry a réussi à se forger une belle expérience dans ce domaine.
Formée au Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti, 47e promotion), elle a, après sa licence en journalisme, décroché un Master en communication pour le développement, avec une spécialisation en santé, environnement et marketing social. En parallèle, elle a obtenu une certification de trois ans en fact-checking avec Canal France international (Cfi) ; ce qui lui a permis d’approfondir ses compétences et de se spécialiser durablement dans la vérification de l’information. « Avec mon collègue Abdou Khadr Seck, nous avons jeté les bases d’un projet que nous voulions à la fois rigoureux et impactant. Notre expérience s’est construite progressivement. Nous avons d’abord commencé par des articles de fact-checking dans la version print du journal, avant d’élargir le concept au numérique avec la création de Soleil Check », informe la cheffe de service adjointe de « Soleil Online ».
Ainsi s’ouvrait un nouveau chapitre de sa jeune carrière. Et son amie et camarade de promotion, Aïssatou Mbossé Seck, ne semble pas surprise par sa trajectoire. « Diéry, en plus de son caractère, s’est imposée avec son savoir, son envie d’apprendre, sa culture. Elle a montré que le journalisme était fait pour elle. Elle s’était fixé des objectifs, à savoir sortir major de notre promotion et elle l’a réussi. Elle voulait aussi être reconnue dans le monde du journalisme, et avec le fact-checking, elle s’impose petit à petit », renseigne-t-elle.
Moussa Diop, directeur de la rédaction web du « Soleil », qui a reçu Diéry sous son aile, ne cache pas sa fierté de voir éclore en elle un talent qu’il a vu grandir. Et qui a, selon lui, traversé les doutes et la précarité des débuts, stages, contrats fragiles, sans jamais renoncer à l’exigence de qualité qui caractérise sa signature. « Diéry est une journaliste très professionnelle, passionnée par son travail et profondément engagée dans les nouvelles formes de narration, en particulier le fact-checking, la vérification des faits, la vidéo et les formats numériques. Elle est aussi à l’aise à l’écrit qu’à la télévision, aussi efficace dans les capsules numériques comme avec « Soleil Check » qu’en reportage », témoigne-t-il. Diéry, ajoute-t-il, possède également de réelles qualités de management. Parce que, renseigne M. Diop, « elle a des convictions, des idées fortes, et sait diriger en douceur, sans jamais brusquer personne, tout en obtenant le meilleur de son équipe ».
Sur le plan personnel, Diéry, est, selon son boss, une jeune femme de valeurs, avec des principes solides et une vision claire de ce qu’elle veut et de ce qu’elle refuse. « Je suis convaincu que ni la médiatisation ni la notoriété ne pourront altérer le fond de sa personnalité », assure Moussa Diop. Fatou Diéry Diagne symbolise la figure d’un journaliste méthodique. Une réflexion sur la désinformation Armée de méthodes de vérification rigoureuses, elle incarne la rigueur journalistique nécessaire pour offrir un antidote au poison de la rumeur.
Chaque article vérifié est, pour elle, un gage de sérieux et de détermination envers la vérité. Aujourd’hui, sa passion pour le fact-checking l’a poussée à franchir un grand pas et à produire un livre : « Résister à la désinformation, journal d’une fact-checkeuse sénégalaise ». Une belle contribution dans le combat contre la désinformation. Ce livre, précise la journaliste, est une réponse aux nombreuses interrogations, une manière pour elle de livrer sa part de vérité, à travers le regard de la fact-checkeuse qu’elle est devenue. « J’éprouvais le besoin de documenter ce parcours, les nuits blanches, les moments de doute, mais aussi la force qu’il faut pour continuer face aux attaques, aux insultes ou au harcèlement. Enfin, c’est une réflexion sur la désinformation vue de l’intérieur, avec mon regard de vérificatrice, et sur la place qu’elle occupe dans nos vies et dans nos sociétés », soutient-elle.
À travers ce livre, Fatou Diéry cherche avant tout à témoigner et à sensibiliser sur les enjeux réels du fact-checking, au-delà des écrans et des réseaux sociaux. « Mon objectif n’est pas seulement de raconter une expérience, mais aussi d’ouvrir un espace de réflexion sur la responsabilité, la vérité et la place du journaliste dans un environnement saturé d’informations », explique l’auteur. Et de préciser : « C’est une invitation à comprendre ce que signifie « résister » dans ce métier et pourquoi la vérification reste un acte profondément humain ».
Le livre parle à tous ceux qui s’interrogent sur la vérité, le journalisme et la responsabilité dans l’espace public. C’est également un témoignage personnel et une plongée dans les coulisses du fact-checking ; un domaine encore peu connu au Sénégal. « Lire ce livre, c’est découvrir le quotidien d’une fact-checkeuse. C’est un récit humain avant tout, qui montre qu’au-delà des écrans, le fact-checking est une bataille pour la vérité, menée avec rigueur et passion », avance-t-elle.
Pour beaucoup de personnes qui ont côtoyé Diéry, sa trajectoire est loin d’être une surprise. Son camarade de promotion et collègue au « Soleil », Oumar Ndongo, estime que Diéry a montré, depuis le Cesti, des prédispositions pour le fact-checking. « La voir réussir de la sorte et sortir un livre sur son parcours n’est pas une surprise. C’est l’incarnation même de l’engagement, de la rigueur. Pour elle, le seul travail qui compte, c’est celui bien fait », soutient-il. Pour Ndongo, Diéry « est le visage du fact-checking au Sénégal » et son livre « vient renforcer ce statut ».
En plus de ses compétences, précise-t-il, Diéry est un modèle d’engagement féminin. Et il demeure convaincu que sa camarade pourrait créer une vocation pour des jeunes filles qui veulent se lancer, mais qui hésitent. Aïssatou Mbossé Seck voit en ce livre un accomplissement. « Ça ne me surprend pas qu’elle ait écrit ce livre. Elle a son mot à dire, elle a son audience sur les réseaux sociaux, ses followers et elle a une crédibilité. Elle mérite donc le respect des autres », avoue-t-elle. Plus qu’une simple journaliste, Fatou Diéry Diagne est une véritable militante du fact-checking et de la lutte contre la désinformation.
Toujours souriante, elle cultive la bonne humeur au quotidien. Elle fait partie de ces personnes qui ont quelque chose de magnétique qui attire naturellement. Diéry répand des ondes positives tout autour d’elle, facilitant ainsi les interactions avec ses collègues. Pour Moussa Diop, Diéry compte dans le paysage médiatique sénégalais. « Diéry est une véritable success-story. Elle est l’un des visages du fact-checking au Sénégal, en Afrique de l’Ouest et même au-delà… », assure-t-il.
Aujourd’hui, Fatou Diéry Diagne est consciente que les Sénégalais s’intéressent de plus en plus à la vérification, non pas seulement pour dénoncer les fausses informations, mais aussi pour comprendre le vrai, dans un environnement où tout circule très vite. « C’est encourageant, car cela montre qu’il existe aujourd’hui une demande sociale de vérité », affirme-t-elle. Une demande sociale de vérité C’est ce qui, à son avis, fait que le fact-checking s’est peu à peu démocratisé au Sénégal, notamment grâce à « Soleil Check », « qui a rendu cette pratique plus accessible à travers le format vidéo et le traitement de sujets à fort impact ».
Fatou Diéry Diagne croit dur comme fer que l’avenir du fact-checking au Sénégal repose sur la nouvelle génération de journalistes. « Le fact-checking ne devrait pas être perçu comme une spécialisation isolée, mais plutôt comme une étape essentielle du processus de production journalistique, intégrée dans toutes les rédactions », indique la journaliste. Pour elle, le fact-checking, c’est avant tout une manière de renouer avec l’essence même du journalisme, à savoir chercher la vérité, avec rigueur et transparence. C’est pour cette raison qu’elle estime que « dans un contexte marqué par une crise de confiance envers les médias, renforcer les capacités de vérification et encourager une culture du doute constructif peuvent contribuer à restaurer progressivement cette confiance ».
Samba Oumar FALL

