L’Institut français du Sénégal à Dakar a lancé, le 8 juillet dernier, « La Fabrique des mots », un espace dédié à l’accompagnement, à la formation et à la professionnalisation de jeunes écrivains sénégalais. Le lancement officiel de la première cohorte, composée de dix jeunes auteurs, est prévu en octobre. Dans cet entretien, Nogaye Diop, responsable du pôle Idées et Savoirs de l’Institut, détaille les ambitions et la spécificité de cette initiative inédite.
Vous avez récemment lancé le premier incubateur de jeunes auteurs au Sénégal, La Fabrique de mots. Quel est l’objectif de cette initiative ?
L’objectif est d’offrir aux jeunes talents les outils et les ressources nécessaires pour écrire, structurer et publier des œuvres originales, porteuses de sens. L’Institut français du Sénégal, à l’origine de ce projet, souhaite créer un véritable écosystème où se rencontrent créativité, diversité narrative et innovation littéraire.
Il est temps d’ouvrir de nouveaux chemins aux récits africains en valorisant nos langues, nos imaginaires et la richesse de nos histoires multiples. Que ce soit dans le théâtre, la musique ou toute autre forme d’expression artistique, beaucoup d’artistes peinent à vivre de leur passion. Cette réalité s’explique en partie par l’absence d’un cadre structurant couvrant l’ensemble de la chaîne de création et de production. Les jeunes aspirants à l’écriture ne sont pas épargnés.
Inspirée du modèle des startups, La Fabrique de mots ambitionne de fournir aux jeunes auteurs incubés les moyens de développer leur pratique, en profitant notamment de la présence régulière de grandes figures littéraires au Sénégal et des rencontres professionnelles dans la sous-région.
En quoi La Fabrique de mots se distingue-t-elle des ateliers de formation littéraire traditionnels au Sénégal ?
La différence est fondamentale. Les ateliers traditionnels ciblent souvent les enfants ou se limitent uniquement à l’acte d’écrire. La Fabrique de mots, elle, prend en charge toute la chaîne : de l’écriture à l’édition.
Aujourd’hui, même lorsque les jeunes reçoivent une formation en édition, ils restent mal outillés sur des aspects cruciaux comme la structuration des contrats. Par ailleurs, le paysage éditorial sénégalais souffre d’un manque d’éditeurs prêts à investir. Le compte d’auteur est devenu la norme, même chez les grandes maisons d’édition. Notre ambition est donc d’aider ces jeunes à construire des textes solides, susceptibles d’intéresser des éditeurs – même étrangers – qui pourraient en assumer les frais de publication, tout en leur reversant leurs droits. Pour cela, nous ferons venir des spécialistes qui viendront partager leurs connaissances. L’idée est de professionnaliser l’écriture, de la considérer comme un métier à part entière, relevant de l’entrepreneuriat culturel.
Et concernant l’accompagnement, concrètement, comment cela va-t-il se passer ?
Un appel à candidatures est déjà lancé. Mais pour garantir un accompagnement rigoureux, nous avons volontairement limité le nombre à dix jeunes pour cette première édition. Ils seront accompagnés pendant un an. Durant cette période, nous inviterons des auteurs et critiques littéraires, aussi bien d’ici que d’ailleurs. L’objectif est de faire bénéficier les jeunes incubés des nombreuses personnalités du monde du livre qui passent régulièrement par Dakar.
La forme des rencontres n’est pas encore figée. Cela pourrait être mensuel ou bimensuel, selon les disponibilités des jeunes, car certains travaillent. L’idée est de s’adapter à leurs contraintes, sans sacrifier l’exigence de l’accompagnement.
Nous avons également échangé avec le président de l’Association des écrivains du Sénégal, qui a exprimé son soutien. Des auteurs confirmés, comme Elgas, se sont déjà engagés à nous accompagner. L’enthousiasme est général. Tous sont prêts à contribuer à cette belle aventure.
Entretien réalisé par Adama NDIAYE