En matière d’éducation des filles, malgré les grands bonds enregistrés depuis la Conférence de Jomtien (Thaïlande) du 5 au 9 mars 1990 et le Forum sur l’éducation mondiale à Dakar (26 au 28 avril 2000), l’Afrique en général et le Sénégal en particulier ont de grands défis à relever, tant les barrières à lever sont nombreuses.
Au cours de ces rencontres, il a été retenu qu’« une priorité absolue devrait être d’assurer l’accès des filles et des femmes à l’éducation et d’améliorer la qualité de la formation qui leur est dispensée, ainsi que de lever tous les obstacles à leur participation active. Tous les stéréotypes sexuels sont à bannir de l’éducation ». Pourtant, il reste encore du chemin à parcourir. Et un très long chemin. Au Sénégal, par exemple, grossesses et mariages précoces ne faiblissent pas.
Pour preuve, d’après une étude intitulée « Adolescentes en situation de grossesse : le cas des élèves filles » contenue dans le « Rapport des grossesses des adolescentes dans le milieu scolaire » publié en octobre 2024, sous la conduite du Groupe pour l’étude et l’enseignement de la population (Geep) appuyé par l’Agence des Nations unies en charge des questions de santé sexuelle et reproductive (Unfpa), « durant l’année scolaire 2023-2024, 1.202 cas de grossesse ont été recensés chez les élèves filles âgées entre 13 et 19 ans. 59,4 % des cas de grossesse concernent les 16 et 18 ans contre 20,1 % pour les 12 et 15 ans. Si les académies de Dakar, Pikine Guédiawaye et Rufisque ne semblent pas être touchées par les grossesses de 12 à 15 ans, par contre les académies de Sédhiou, Ziguinchor et Fatick enregistrent de nombreux cas dans cette tranche d’âge. 66,18 % des cas de grossesse sont survenus chez des filles qui sont au premier cycle, c’est-à-dire entre la classe de 6e et la 3e contre 33,81 % dans le second cycle ».
Dans toutes les académies, la majorité des cas de grossesse est constatée dans les classes de 4e et 3e qui concentrent 68,98 % des cas de ce cycle. Dans le second cycle, ce sont les classes de 2nde et de 1re qui sont les plus touchées avec 346 cas contre 102 pour celles de Terminale. Sur le plan matrimonial, 53 % des cas de grossesse concernent des filles mariées contre 47 % de filles célibataires ».
Des grossesses qui, rappelle l’étude, découlent, pour l’essentiel, de l’environnement social, scolaire et technologique.
À cela, s’ajoutent les conditions de vie de ces adolescentes, souvent éloignées du cercle familial et qui échappent à tout suivi parental. Des grossesses précoces qui doivent interpeller l’école et les pouvoirs publics. Car, « la maternité précoce est l’un des principaux facteurs de déperdition scolaire et donc un obstacle au développement de la société.
S’y ajoutent les effets psychologiques, la marginalisation, les décès liés aux complications de la grossesse et de l’accouchement et les infractions dues aux avortements clandestins », note le rapport. Il n’est donc pas surprenant de constater une baisse drastique du nombre de filles au fur et à mesure que l’on avance dans les études.
Au Sénégal, plus on avance dans les cycles, plus le taux de filles s’amenuise. Ce taux dans le Supérieur varie de 5 à 8 %. C’est dire que de nombreux goulots d’étranglement persistent encore malgré les efforts des structures comme la Scofi, Fawe, Ong, partenaires, voire même l’État.
Il y a donc nécessité de lutter contre les stéréotypes sociaux, assurer l’autonomie financière des parents, rapprocher davantage l’école des élèves (une politique bien entamée) si l’on veut réussir le pari du développement qui ne peut se réaliser sans les femmes. daouda.mane@lesoleil.sn