À Bandia, il n’y a pas que la mare aux crocodiles qui fait flipper. Le terrarium donne des frissons. Dans cet espace, une variété d’espèces, qu’il s’agisse de reptiles venimeux ou non, endémiques ou exotiques, sont bien installés dans des aménagements adaptés qui leur permettent de se mouvoir librement. Un dispositif est mis en place dans chaque terrarium bien fermé, qui propose une observation facile, une immersion ludique dans le monde fascinant des reptiles. Le visiteur peut, en toute sécurité, scruter mamba noir, vipère heurtante, python de Séba, python royal, couleuvre sifflante, boa de sable, cobra du Sénégal, cobra des forêts, lézard plaqué… À côté de chaque espèce, un document permet de mieux comprendre son origine et d’en apprendre plus sur son mode de vie. Ici, Pape Ndiaye est le maître des lieux. Il est préposé à la prise en charge des reptiles. Ce soudeur métallique de profession n’est pas herpétologiste. Il n’a pas non plus étudié ni la biologie animale, ni la zoologie, encore moins l’ophiologie et la batracologie. Mais sa passion l’a guidée vers ce « dangereux » métier. Très jeune, il a été fasciné par le monde des animaux. Pour assouvir sa passion, Il élève chez lui moutons, pigeons, chiens de race. Et par le fruit du pur hasard, il s’est devenu un « spécialiste » des amphibiens et des reptiles. En 2021, il entre en contact, pour la première fois, avec les reptiles. « Je venais régulièrement à Bandia. Et je ne sais pas par quelle alchimie je me suis retrouvé à travailler dans ce terrarium. À l’époque, le site était géré par un vieux qui se nommait Lama Diallo. Après m’avoir formé en une dizaine de jours, il est parti en congé et n’est plus revenu. C’est alors que j’ai pris le relais. Je voulais retourner à mon métier, mais il était écrit que je serais ici », confie Pape Ndiaye. Ironie du sort, lors de son premier jour, le mamba s’est échappé. Il l’a attrapé facilement et l’a remis sans grande difficulté dans sa cage. « Je ne portais pas de gri-gri ni de talisman. Je savais que c’était dangereux, parce que la morsure du mamba est mortelle mais je m’en suis bien tiré. J’ai fait des recherches pour comprendre leur univers, connaitre leurs habitudes, leur habitat naturel et les soins à leur apporter pour les maintenir en bonne santé », déclare Pape qui fait preuve de dévouement et d’une particulière attention envers ses « protégés ».
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Son sens élevé de l’observation, et ses recherches lui ont permis de détecter des détails importants dans leur environnement, de comprendre leur écosystème naturel. Travaillant tous les jours, sauf le vendredi, il leur donne à manger, nettoie leurs cages. « Ils mangent chaque semaine. Ils se nourrissent de rats, souris blanches, oiseaux, lézards, geckos, insectes », indique Pape Ndiaye, conscient de la dangerosité de son métier, soulignant que sa famille n’a jamais été d’accord pour qu’il exerce cette profession, surtout à ses débuts. « Si je descends tard, ils ne sont pas tranquilles », note Pape Ndiaye qui dit ressentir un plaisir ineffable à vivre dans cet univers, entouré des reptiles. Cette joie se lit sur son visage. « Quand je trouve le cobra dans une position anormale, je ne le touche pas. Le reviens le lendemain et le retrouve à l’aise. Quand je rentre dans leur cage, je leur montre que je n’ai pas peur », indique Pape, rappelant avoir ressenti de l’excitation et de la fascination quand il a tenu, pour la première fois, un serpent entre ses mains. Et très vite, il s’est rendu compte à quel point ces reptiles étaient fascinants… Aujourd’hui, fait-il remarquer, les gens visitent régulièrement le terrarium parce qu’il n’est pas donné de voir de près ces reptiles. « Par exemple, le boa du sable pullule au Sénégal et pourtant, je n’en ai jamais vu. C’est dans ce terrarium que je l’ai découvert pour la première fois. » En plus d’en apprendre sur les reptiles, fait-il remarquer, le visiteur peut, s’il le désire, porter un python sur ses épaules pour vivre quelques frayeurs. En quatre ans, Pape Ndiaye a réussi à bien connaitre et à pouvoir manipuler ces reptiles potentiellement dangereux. Malgré sa passion, il jure la main sur le cœur que ses enfants n’exerceront pas ce métier. « Ce travail, c’est un passe-temps, parce que j’ai un métier et j’espère y retourner un jour. Ce n’est pas un travail qui va continuer, car j’ai besoin d’une activité plus rentable, qui me permette d’être à l’aise, de subvenir à mes besoins », déclare-t-il.
Samba Oumar FALL