Fournir de l’oxygène, absorber le gaz carbonique, constituer à la fois un espace de loisir et un sanctuaire pour la faune, se faire agresser par l’urbanisation, devenir un repère de malfrats… Bref, c’est cela, la vie de la forêt « classée » de Mbao. À la fois indispensable et pourtant si vulnérable…
Du soleil et des gazouillis. Après la pluie, c’est le beau temps. Mais à y voir de plus près, la forêt classée de Mbao est en train de suffoquer : dépotoir d’ordures sauvages, avancée de l’urbanisation avec les travaux d’élargissement de la chaussée de l’autoroute à péage qui semblent sans fin, point d’accumulation des eaux usées, forte présence humaine…
Toutes ces activités contribuent à réduire l’emprise de la forêt classée de Mbao, qui ne fait que perdre du terrain au fil des années. Patrimoine classé de l’État du Sénégal depuis 1940, la forêt classée de Mbao abrite une vaste biodiversité. Initialement étendue sur 722 ha, sa taille ne cesse de diminuer avec le passage d’infrastructures majeures comme l’autoroute à péage et le Train Express Régional (Ter).
Cependant, ces événements qui ont révélé la forêt au grand public n’ont fait que ressortir un mal-être qui date de très nombreuses années. Pas spécifiquement aménagée à cette fin, la forêt servait déjà de réceptacle naturel des eaux usées et pluviales de Rufisque et Keur Massar. Elle est également devenue un dépotoir d’ordures solides qui mettent parfois en péril la végétation.
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À hauteur de la commune de Mbao, toutes les entrées qui mènent au cœur de la forêt arborent le même spectacle : des ordures jonchent le sol humide. Les seules personnes que l’on peut croiser et qui se chargent de faire la police sont des cultivateurs.
Ils veillent au respect de l’environnement, car c’est ici qu’ils gagnent leur pain. Ils s’occupent généralement de plants de menthe, de tomates et d’autres légumes de table. Leur attention est la condition d’attribution de ces surfaces cultivables.
« On nous demande de veiller à la protection de la forêt. Nous sensibilisons pour que les populations ne viennent pas déposer leurs ordures ménagères ici. Cependant, il y a toujours des récalcitrants qui échappent à notre vigilance. Raison pour laquelle l’environnement est assez désagréable par endroits », indique Cheikh Anta.
Le véritable problème de la forêt reste donc le dépôt d’ordures et un manque de surveillance de la part des agents des Eaux et Forêts, dont les bureaux ne sont pas si éloignés. Selon un charretier que nous nommerons Moussa Gueye, les contrôles sont de plus en plus fréquents, même s’ils restent insuffisants.
En effet, lui-même est souvent mandaté par certains habitants des environs pour faire disparaître des sacs d’ordures, principalement du fumier et des déchets plastiques.
« La forêt était déjà un dépotoir quand je suis venu ici pour travailler avec ma charrette. Au début, le contrôle était presque inexistant. Nous profitions de cela pour y déposer des charges de déchets. Cependant, depuis un certain temps, les gardes forestiers ont augmenté la fréquence de leurs patrouilles. Personnellement, j’ai arrêté de faire ce travail depuis le jour où j’ai failli perdre ma charrette, n’eût été la compréhension des agents des Eaux et Forêts. Maintenant, je ne dépose plus les déchets domestiques ni ici, ni ailleurs », confie Moussa Gueye.
Mais malgré une atteinte sérieuse à ses capacités, la forêt de Mbao continue d’être généreuse. D’ailleurs, depuis un certain temps, des jeunes — mais aussi de plus en plus d’adultes — s’adonnent à la vente de pommes d’acajou sur les trottoirs de la bretelle de sortie de l’autoroute à péage, à hauteur de la forêt.
Ces nouveaux commerçants ont senti l’opportunité qu’offre la forêt de Mbao, composée principalement d’anacardiers. L’autoroute à péage a donc fait naître une micro-économie qui pourrait bien accentuer les menaces pesant sur la forêt classée de Mbao. Une surexploitation se profile peu à peu, exposant ainsi le poumon vert de Dakar à une nouvelle gangrène.
Par Assane FALL