Menacée par une déforestation galopante et un manque criant de gouvernance, la forêt classée de Bissine pourrait disparaître d’ici cinq ans. La commune d’Adéane appelle à une mobilisation urgente pour sauver ce patrimoine écologique.
À quelques kilomètres au sud de Ziguinchor, la forêt classée de Bissine étale encore ses derniers vestiges de verdure. Classée en 1942, ce massif de 42 km², autrefois dense et luxuriant, est aujourd’hui en sursis. Ravagée par une coupe de bois illégale persistante, fragilisée par une absence de surveillance efficace et paralysée par des lenteurs administratives, Bissine se meurt.
« Elle est en train de disparaître sous nos yeux », alerte Arona Sonko, maire de la commune d’Adéane. Ce 29 juillet, il s’est exprimé devant la presse pour tirer, une fois de plus, la sonnette d’alarme. Autrefois sanctuaire de biodiversité, la forêt de Bissine abritait une faune variée et une flore précieuse : arbres centenaires, espèces d’oiseaux rares, essences médicinales et bois d’œuvre prisés.
Aujourd’hui, plus de 600 hectares sont gravement dégradés, remplacés par des clairières nues et silencieuses. « Si rien n’est fait, dans cinq ans, cette forêt ne sera plus qu’un souvenir », prévient le maire.
Un plan de sauvetage en attente
Pour tenter de renverser la tendance, la mairie d’Adéane a conçu un plan de régénération écologique basé sur une cogestion inclusive. Le projet implique l’Inspection régionale des Eaux et Forêts, l’Université Assane Seck de Ziguinchor, l’Agropole Sud et des ONG locales. L’objectif : restaurer l’écosystème forestier tout en impliquant les populations dans une gestion durable des ressources. « Nous voulons associer les communautés locales à la préservation de leur patrimoine. Ce n’est qu’en leur redonnant un rôle central qu’on pourra sauver cette forêt », soutient Arona Sonko.
Le plan prévoit notamment un reboisement massif avec des essences fruitières, dont des manguiers, des anacardiers, capables de générer des revenus pour les habitants d’Adéane, de Boutoupa Camaracounda et de Ziguinchor. Une réponse écologique, mais aussi économique, pour une région où l’emploi est rare et la tentation de l’exploitation forestière illégale grande. Malgré l’urgence, le projet est suspendu à une autorisation administrative toujours en attente. Déposée depuis février 2024 au ministère de l’Environnement et de la Transition écologique, la demande reste sans réponse.
« Tout est prêt. Nous avons même mobilisé un ancien colonel des Eaux et Forêts comme expert. Il ne manque que le feu vert », déplore l’élu territorial. Dans cet appel à l’action, Arona Sonko salue la volonté affichée du Premier ministre Ousmane Sonko, qui souhaite transférer la gestion des forêts aux collectivités territoriales. « C’est exactement ce que nous demandons depuis des années. Il faut faire confiance aux territoires », insiste-t-il.
Un patrimoine en péril
En attendant une réaction des autorités, la forêt de Bissine continue de perdre chaque jour un peu plus de sa richesse. Si rien n’est fait rapidement, ce joyau naturel de la Casamance pourrait disparaître, emportant avec lui un pan entier de l’identité écologique du Sénégal. Dans le silence des clairières déboisées, c’est toute une mémoire verte qui vacille. Et avec elle, l’avenir des générations qui ne connaîtront peut-être jamais la splendeur de Bissine.
Gaustin DIATTA (Correspondant)